La justice birmane a accepté vendredi d'examiner l'appel de l'opposante Aung San Suu Kyi, qui défend son innocence dans l'incident grotesque qui lui a valu en août une condamnation à trois ans de travaux forcés, peine commuée en 18 mois d'assignation à résidence.

«La cour a accepté d'examiner l'appel. Les deux parties, le gouvernement et nous mêmes, devrons présenter nos arguments le 18 septembre à 10h00», a indiqué à l'AFP son principal avocat, Kyi Win. Le 11 août, Mme Suu Kyi avait été condamnée pour avoir brièvement hébergé en mai dernier un Américain, John Yettaw, qui avait réussi à nager jusqu'à son domicile, situé sur les rives d'un lac, prétendument après avoir reçu un appel de Dieu pour la sauver d'un complot.

L'opposante avait écopé de trois ans de réclusion et de travaux forcés avant que sa peine ne soit réduite en une assignation à résidence, au terme d'un scénario savamment orchestré et sur ordre du numéro un de la junte, le généralissime Than Shwe.

Quant à l'Américain, il avait été condamné à sept ans de prison, avant d'être rapidement expulsé.

Les avocats de Mme Suu Kyi reprochent à celui qu'ils qualifient d'«aventurier» et de «crétin» d'avoir donné à la junte une occasion rêvée de l'exclure du paysage électoral, alors que des élections se profilent à l'horizon 2010.

La figure de l'opposition birmane, privée de liberté pendant 14 des 20 dernières années, n'a cessé de clamer son innocence, indiquant n'avoir eu d'autre choix que d'accueillir un homme dont elle ignorait tout, et qui s'est présenté devant elle épuisé par sa traversée du lac.

Jeudi, ses avocats avaient indiqué vouloir soulever 11 points pour soutenir leur appel, jugeant notamment que le seul coupable était bien l'Américain.

Ils estiment aussi que les mesures de sécurité auxquelles Mme Suu Kyi était soumise le jour de l'incident étaient caduques, car issues de la Constitution de 1974. Or, celle-ci a été remplacée en 2008 par une nouvelle Constitution.

«C'est la bonne décision. Nous avons fait appel afin de demander la libération de Daw Aung San Suu Kyi», s'est félicité vendredi Nyan Win, son deuxième avocat, après environ deux heures de débat devant les magistrats.

En août, la condamnation de Mme Suu Kyi avait provoqué une avalanche de critiques contre la junte, à l'exception notable de la Chine, son alliée la plus fidèle, qui avait appelé à «respecter totalement la souveraineté de la justice birmane».

Le Conseil de sécurité de l'ONU avait exprimé sa «grave préoccupation» et l'Union européenne (UE) avait adopté de nouvelles sanctions «ciblées» contre le régime birman.

Aux États-Unis en revanche, tout en condamnant ce verdict, l'administration Obama a annoncé sa volonté de modifier sa politique à l'égard de la Birmanie, en privilégiant le dialogue aux sanctions. Une stratégie illustrée par la visite à Rangoun du sénateur Jim Webb, reçu par Than Shwe peu après le procès, et qui est reparti accompagné de John Yettaw.

En attendant que les magistrats tranchent sur son sort, Mme Suu Kyi a pu rentrer chez elle.

La semaine dernière, ses avocats ont annoncé qu'elle allait rénover son domicile, une maison de famille délabrée où elle vit sans Internet ni téléphone et avec pour seules visites ou presque celles de ses avocats et de son médecin.

La militante estime avoir payé assez cher les frasques de son visiteur américain. «Elle est inquiète pour la sécurité de sa maison et veut la rénover. C'est pour éviter toute nouvelle intrusion», a précisé Nyan Win.