Van Nath, l'un des rares survivants de la prison de Tuol Sleng, a témoigné lundi des horreurs vécues dans ce centre de détention dirigé par «Douch» dont le procès se poursuit devant le tribunal spécial chargé de juger les anciens responsables Khmers rouges.

Agé de 63 ans et devenu depuis lors l'un des artistes peintres les plus en vue du Cambodge, Van Nath n'a dû sa survie qu'à la réalisation, sur ordre, de tableaux de propagande représentant le leader du régime, Pol Pot.

Privé de nourriture, il affirme avoir songé à manger de la chair humaine.»La faim et la soif m'obsédaient. J'envisageais même de manger de la chair humaine», dit Van Nath qui raconte encore comment les prisonniers se jetaient sur des insectes tombés du plafond pour les avaler.

«Les conditions étaient si inhumaines et la nourriture si rare. Nous n'avions droit qu'à trois cuillers de gruau par repas. J'ai perdu toute dignité. Même aux animaux ils donnaient plus à manger», témoigne-t-il.

Arrêté en 1977 et transféré à Tuol Sleng, il voit les détenus mourir à côté de lui durant le premier mois de détention. Très faible, il doit être soutenu pour se tenir debout et marcher.

Un jour, alors qu'il est convoqué, il croit sa dernière heure venue: «Je me suis dit que cela n'avait plus d'importance, car je pouvais mourir d'un jour à l'autre et je préférais mourir plutôt que vivre dans de telles conditions». Mais un responsable de la prison lui demande de peindre un portrait de Pol Pot. «Je savais que si je peignais mal, je risquais gros. J'étais très nerveux», ajoutant qu'il s'agissait d'un «marché de vie ou de mort».

La Cour, parrainée par les Nations unies, juge actuellement Kaing Guek Eav, alias «Douch», accusé d'avoir supervisé l'élimination de plus de 15 000 personnes à la prison de Tuol Sleng sous le régime ultra-communiste des Khmers rouges (1975-1979). Quatre autres responsables au profil plus politique du «Kampuchéa démocratique» doivent être jugés l'an prochain.

Plus de 15 000 personnes ont été torturées à la prison de Tuol Sleng avant d'être tuées dans des «killing fields» voisins, dans le cadre de vastes purges organisées par les hommes de Pol Pot (1975-1979).