L'Inde a pour la première fois accusé nommément les services secrets du Pakistan d'être derrière les attentats de Bombay, une mise en cause qu'Islamabad a déjà rejetée en montrant du doigt un groupe islamiste basé au Bangladesh.

Depuis ce «11-Septembre indien» perpétré du 26 au 29 novembre 2008, les deux puissances nucléaires militaires d'Asie du Sud --qui se sont fait trois fois la guerre en 61 ans-- se livrent une incessante joute diplomatique en prenant garde toutefois de ne pas jeter trop d'huile sur le feu.

Mais le secrétaire indien aux Affaires étrangères Shivshankar Menon a été cette fois extrêmement clair: «Les organisateurs (de ces attaques) sont et demeurent des clients et des créations de l'ISI (Inter-services intelligence)», les services de renseignements du Pakistan, a-t-il affirmé dans un discours prononcé mercredi à l'Institut français des relations internationales (IFRI) à Paris et repris vendredi dans la presse.

En janvier, New Delhi avait transmis à Islamabad et à une quinzaine de chancelleries un dossier de preuves «accablantes» montrant que les attaques de Bombay avaient été planifiées, préparées et pilotées depuis le Pakistan, avec «probablement» la complicité passive de hiérarques de ce pays.

Le Premier ministre Manmohan Singh avait carrément accusé des «agences officielles» de l'Etat pakistanais --c'est-à-dire, sans le désigner explicitement, l'ISI-- d'avoir apporté un «soutien» aux attentats.

New Delhi, Washington et Londres imputent ce carnage (174 tués, dont neuf des dix assaillants) au Lashkar-e-Taïba (LeT), un groupe islamiste armé clandestin pakistanais actif au Cachemire. Mais les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ne croient pas à l'implication d'officines de l'Etat pakistanais.

Le Pakistan a nié en bloc, a fait arrêter de nombreux membres d'une association caritative proche du LeT et mène sa propre enquête.

Celle-ci a conclu à la responsabilité d'une organisation islamiste clandestine basée au Bangladesh, le Harkat-ul-Jihad-al Islmani (HuJI), rapporte vendredi le journal pakistanais The Dawn.

Le Bangladesh est un pays musulman laïc enclavé dans le nord-est du sous-continent indien, appelé Pakistan oriental avant son indépendance de 1971. Il est aux prises avec des cellules islamistes armées, dont le HuJI accusé d'avoir commis des attentats dans le pays en 2003 et 2004.

Il est surtout montré du doigt pour 12 attaques simultanées en octobre dernier dans l'Etat indien de l'Assam, dans le nord-est, à la frontière bangladaise. 80 personnes y avaient trouvé la mort.

L'enquête pakistanaise «va probablement montrer que les attentats de Bombay sont l'oeuvre d'un réseau international de fondamentalistes musulmans d'Asie du Sud et qui s'étend jusqu'au Proche-Orient», écrit le Dawn.

Islamabad n'a pas confirmé cette piste bangladaise et Dacca a indiqué à l'AFP, par la voie de son secrétaire aux Affaires étrangères Touhid Hossain, «ne pas disposer d'informations».

Son homologue indien, M. Menon, a répété que le Pakistan était «l'épicentre du terrorisme international» et que son pays souffrait directement «d'organisations terroristes transfrontalières».

Le numéro deux de la diplomatie indienne a aussi prévenu que continuer à vendre des armes à Islamabad --allié des Etats-Unis dans leur «guerre contre le terrorisme»-- «équivalait à donner du whisky à un alcoolique (ou) de la drogue à un toxicomane».

Depuis deux mois, l'Inde déplore que les Occidentaux n'exercent pas plus de pressions sur le Pakistan, un pays que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ménagent de peur qu'il n'implose.