Le Parlement indien a adopté mercredi à l'unanimité un renforcement de ses lois anti-terroristes, trois semaines après les attentats islamistes de Bombay, qui ont provoqué un gel de facto du laborieux processus de paix entre l'Inde et le Pakistan.

Ces législations renforcées - voulues par le gouvernement à cinq mois des élections législatives - répondent à la colère d'une opinion publique qui fustige les ratés du contre-terrorisme depuis le massacre de 163 personnes par 10 assaillants du 26 au 29 novembre au coeur de la capitale économique de la 10e puissance mondiale.

«Il y a des lacunes dans le recueil et le partage des renseignements. Nous allons régler le problème», a déclaré devant le Parlement le ministre de l'Intérieur Palaniappan Chidambaram.

Création d'une police fédérale copiée sur le FBI américain, meilleure formation des forces spéciales, détention de personnes soupçonnées d'actes de de terrorisme de 180 jours au lieu de 90, lutte contre le blanchiment d'argent: il faut, a martelé le ministre, «accélérer les enquêtes, les poursuites et les affaires liées au terrorisme».

Car, a-t-il insisté, «compte tenu de la nature de la menace, nous ne pouvons pas vaquer à nos occupations comme d'habitude».

Le ministre a tout de même voulu rassurer les organisations des droits de l'homme, inquiètes d'une dérive sécuritaire de la «plus grande démocratie du monde». En matière de contre-terrorisme, il s'est engagé à trouver «le meilleur équilibre possible (...) sans laisser de côté ce que nous considérons comme des droits humains fondamentaux».

De manière inattendue, le principal parti de l'opposition indienne, le Bharatiya Janata Party (BJP), a déclaré qu'il soutenait les mesures présentées par le gouvernement.

La nouvelle législation «sera le signe que l'Inde tout entière est unie dans la lutte contre le terrorisme et qu'il n'y pas de divergences» dans ce domaine, a déclaré le chef du BJP, Lal Krishna Advani, au commencement du débat au Parlement.

Au terme de huit heures de débat, les amendements ont été adoptés à l'unanimité, a annoncé le président du Parlement, Somnath Chatterjee.

Le renforcement de la loi intervient au moment où le délicat processus de paix indo-pakistanais, réamorcé en janvier 2004, est de fait suspendu en raison du carnage de Bombay, ont reconnu mardi et mercredi les deux puissances nucléaires militaires d'Asie du Sud.

«Cet incident malheureux est un revers (...) dans la mesure où le dialogue marque une pause en ce moment», a admis le ministre pakistanais des Affaires étrangères, Shah Mehmood Qureshi, se disant toutefois «confiant» pour «surmonter cette situation (qui) n'est qu'un soubresaut».

«L'avenir du Pakistan dépend de ses bonnes relations de voisinage avec l'Inde», a-t-il rappelé.

La veille, son homologue indien Pranab Mukherjee avait déjà déploré «une pause dans le processus de dialogue global» avec le Pakistan.

New Delhi, Washington et Londres imputent les attaques de Bombay au Lashkar-e-Taïba (LeT), l'un des mouvements armés fondamentalistes pakistanais qui disent combattre l'«occupation» indienne du Cachemire et les «persécutions» dont seraient victimes les 150 millions de musulmans indiens.

Mais le LeT nie tout lien avec Bombay et assure que son «programme» se cantonne à la lutte armée contre la présence indienne au Cachemire, divisé depuis 1949 entre l'Inde et le Pakistan.

Pourtant, New Delhi accusait déjà le LeT d'avoir attaqué son Parlement le 13 décembre 2001. Cela avait failli déclencher une quatrième guerre avec Islamabad, après les trois conflits livrés depuis leurs indépendances d'août 1947.

Dans cette nouvelle crise, l'Inde a exclu de frapper militairement son voisin, tout en le qualifiant d'«épicentre du terrorisme».

En fait, les «frères ennemis» sont sous pression des Etats-Unis - alliés des deux pays - qui s'évertuent à les apaiser.

Washington redoute qu'une escalade militaire oblige le Pakistan à dégarnir son front du nord-ouest, où son armée affronte talibans pakistanais et combattants d'Al-Qaïda cachés dans les zones tribales frontalières avec l'Afghanistan.

Quant à l'Inde - aux ambitions de superpuissance responsable et dotée de l'arme atomique -, elle ne veut pas risquer une guerre conventionnelle, qui pourrait dégénérer, face à un pouvoir civil pakistanais déstabilisé par le terrorisme islamiste et le poids de l'armée.