(Kaboul) Le Pakistan a mené tôt lundi des frappes aériennes sur l’est de l’Afghanistan qui ont tué huit civils et entraîné une riposte de Kaboul avec des tirs « à l’arme lourde » sur des zones frontalières.

Quelques heures plus tard, Washington a appelé Islamabad à « faire preuve de retenue » et les talibans au pouvoir en Afghanistan à contrôler les extrémistes.

Le gouvernement taliban de son côté a « condamné fermement ces attaques », par la voix de son porte-parole Zabihullah Mujahid, qui a menacé Islamabad de « conséquences que le Pakistan ne serait pas capable de contrôler ».

Le ministère afghan des Affaires étrangères a annoncé sur X avoir convoqué le chargé d’affaires pakistanais pour protester contre ces frappes.

Depuis le retour au pouvoir des talibans à Kaboul en 2021, les tensions frontalières entre les deux pays musulmans se sont envenimées.  

Le Pakistan affirme que des groupes armés, tels les talibans pakistanais du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), mènent des attaques planifiées depuis le sol afghan, à travers une frontière très poreuse.

« Vers 3 h (18 h 30 heure de l’Est) dimanche), des appareils pakistanais ont bombardé les maisons de civils […] dans la province de Paktika […] faisant six morts » et « dans la province de Khost […], deux femmes ont été tuées », a annoncé Zabihullah Mujahid.

Les deux pays ont plus tard fait état de heurts frontaliers.

Le ministère afghan de la Défense a annoncé que ses forces avaient répliqué aux frappes pakistanaises par des tirs « à l’arme lourde » sur des cibles militaires à la frontière.

« Les forces de défense et de sécurité […] défendront l’intégrité territoriale à tout prix », a averti sur X le porte-parole du ministère, Enayatullah Khwarizmi.

Un responsable pakistanais dans les régions frontalières, qui a requis l’anonymat, a confirmé à l’AFP que les forces afghanes avaient bombardé le territoire pakistanais lundi matin, entraînant des affrontements avec l’armée pakistanaise.

« Des annonces ont été faites dans les mosquées pour l’évacuation des zones des districts de Kurram et du Waziristan du Nord alors que des affrontements sporadiques entre le Pakistan et l’Afghanistan ont lieu à la frontière », a-t-il précisé en matinée.

On ignorait en fin d’après-midi si les heurts se poursuivaient.

Réponse « ferme »

Les attaques aériennes surviennent deux jours après que des assaillants ont tué sept soldats dans le nord-ouest du Pakistan, dans le Waziristan du Nord, près de la frontière avec l’Afghanistan.  

Cette attaque a été attribuée par le président pakistanais Asif Ali Zardari à des « terroristes ».  

Il a promis qu’Islamabad y répondrait « avec fermeté » et « quels qu’en soient l’auteur et le pays d’où il vient ».

Le gouvernement afghan a toujours nié abriter des groupes armés étrangers utilisant le sol afghan pour lancer des attaques contre ses voisins.

Le TTP a affirmé lundi dans un communiqué ne pas avoir été visé par les frappes pakistanaises, assurant que ses membres opéraient depuis le Pakistan.

Pour l’analyste pakistanaise Saira Aqil, le « Pakistan ne peut pas se permettre de perdre un allié comme l’Afghanistan », en dépit de la recrudescence des attaques sur son sol qui « entraînent fatalement des représailles ».  

« Avions de combat et drones »

Un chef tribal du district de Spera, de la province de Khost, a expliqué à l’AFP qu’à 3 h 30 locale, un premier drone l’avait fait fuir, avec les autres habitants, dans les montagnes.

« Puis deux avions de combat [nous] ont bombardés, et ensuite un drone », et plusieurs personnes ont été tuées.

« Toutes les personnes visées étaient des réfugiés du Waziristan, ce ne sont pas des terroristes », a-t-il ajouté. « Le gouvernement pakistanais nous a fait fuir de nos maisons [au Waziristan] et l’Émirat islamique d’Afghanistan ne fait pas attention à nous ».

Le Waziristan est l’une des anciennes zones tribales semi-autonomes du nord-ouest du pays, où l’armée pakistanaise a mené de nombreuses opérations contre les insurgés liés au réseau Al-Qaïda et aux talibans après l’invasion en 2001 de l’Afghanistan par les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN.  

De nombreuses personnes originaires des zones tribales s’étaient réfugiées en Afghanistan après le lancement en 2014 d’une opération militaire qui avait permis d’en chasser le TTP.

Le TTP avait tué entre sa création en 2007 et 2014 des dizaines de milliers de civils pakistanais et membres des forces de sécurité.

Des tirs de l’armée pakistanaise contre l’est de l’Afghanistan en avril 2022 avaient fait une cinquantaine de morts, Islamabad ayant exigé de Kaboul « des mesures sévères » contre les militants qui attaquent son territoire.