(Islamabad) Les candidats du populaire ancien premier ministre Imran Khan ont défié les prévisions et semblaient en tête après les élections générales au Pakistan, selon des sondages non officiels diffusés vendredi à la télévision.

Le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), le parti de M. Khan, n’a pas été autorisé à se présenter en tant que parti aux élections de jeudi, mais des décomptes effectués par les chaînes de télévision locales montrent que des candidats indépendants-dont des dizaines affiliés à son parti-sont en tête dans la plupart des circonscriptions.

À 6 h du matin locales (20 h heure de l’Est) — plus de 13 heures après la fermeture des bureaux de vote — la Commission électorale du Pakistan a annoncé seulement huit résultats, avec trois sièges du parlement attribués à des candidats liés au PTI.

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Le décompte des voix a commencé en début de soirée. Quelque 128 millions d’inscrits étaient appelés aux urnes pour élire les 336 députés du parlement fédéral et renouveler les assemblées provinciales.

« problème de l’internet »

Elle a invoqué des « problèmes de l’internet » pour expliquer la lenteur du processus. Les chaînes de télévision fondaient, elles, leurs projections sur des décomptes effectués au niveau des circonscriptions locales.

D’après ces sondages, les candidats proches d’Imran Khan, actuellement emprisonné et qui ne pouvait se présenter, détiennent une avance dans la plupart des scrutins destinés à élire les 336 députés du parlement fédéral et renouveler les assemblées provinciales du pays.

La Ligue musulmane du Pakistan (PML-N), soutenue par l’armée selon les observateurs, était pourtant la grande favorite du scrutin, son chef, Nawaz Sharif, espérant diriger le pays pour la quatrième fois à l’issue du scrutin.  

Avant l’annonce des premiers résultats, l’organisateur en chef du PTI, Omar Ayub Khan, s’est dit convaincu que son parti était bien placé. « Les candidats indépendants soutenus par Tehreek-e-Insaf au Pakistan ont la capacité de former le prochain gouvernement fédéral avec une majorité des deux tiers », a-t-il déclaré dans une déclaration vidéo diffusée aux médias.

Plus de 650 000 membres des forces de sécurité avaient été déployés pour sécuriser le scrutin, ensanglanté mercredi par la mort de 28 personnes dans deux attentats à la bombe revendiqués par le groupe État islamique (EI), dans la province du Baloutchistan (sud-ouest).

Quelque 128 millions d’inscrits étaient appelés aux urnes.

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Des hommes attendent en file pour voter à Karachi.

Jeudi, 51 attaques au total se sont produites, qui ont fait 12 morts, dont 10 membres des forces de sécurité, a indiqué l’armée dans un communiqué.

Interférence de l’armée

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Une patrouille de l’armée à Lahore, le 8 février 2024

Le ministère de l’Intérieur a annoncé en soirée que les services de téléphonie mobile, coupés dans tout le pays depuis le début de matinée, officiellement pour des raisons de sécurité, commençaient à être rétablis.

L’internet mobile avait aussi été coupé, avait fait savoir Netblocks, une organisation qui surveille la cybersécurité et la gouvernance de l’internet.

« La coupure actuelle de l’internet est parmi les plus rigoureuses et étendues que nous ayons observées dans n’importe quel pays », a déclaré à l’AFP Alp Toker, directeur de Netblocks, dénonçant une « pratique fondamentalement antidémocratique ».  

L’équité du scrutin a été mise en doute par avance. Imran Khan, 71 ans, a été condamné à trois longues peines de prison. Et son parti a été décimé par les arrestations et défections forcées, et empêché de mener campagne.

Les électeurs dépendent de l’envoi de texto pour savoir où aller voter. L’un d’eux, Abdul Jabbar, 40 ans, a raconté avoir été empêché d’utiliser le service et de localiser son bureau de vote à cause des problèmes de l’internet. « D’autres supporteurs du PTI nous ont finalement aidés à le trouver », a-t-il dit.

« Ma seule peur est de savoir si mon vote sera bien comptabilisé pour le parti pour lequel j’ai voté », a déclaré Syed Tassawar, un ouvrier du bâtiment de 39 ans, à Islamabad.

Les Pakistanais à 70 % « n’ont pas confiance dans l’intégrité des élections », a pointé cette semaine l’institut Gallup. Cela traduit un recul démocratique pour un pays dirigé pendant des décennies par l’armée, mais qui avait connu des progrès depuis 2013, année de la première transition entre gouvernements civils.

Si l’armée a toujours eu une forte influence même sous un pouvoir civil, les observateurs estiment qu’elle a interféré encore plus ouvertement dans ces élections.

Imran Khan, qui avait bénéficié de ses faveurs pour être élu en 2018, l’a défiée de front, l’accusant d’avoir orchestré son éviction du poste de premier ministre en avril 2022 et lui imputant ses ennuis judiciaires.

L’issue du scrutin pourrait dépendre de la participation, en particulier des jeunes, dans un pays où 44 % de l’électorat a moins de 35 ans.

En 2018, Imran Khan avait bénéficié d’un réel engouement populaire, notamment dans la jeunesse, assoiffée de changement après des décennies de domination des dynasties familiales, jugées corrompues.

Faute de majorité absolue, le parti en tête devra probablement former une coalition. Peut-être avec le Parti du peuple pakistanais (PPP) de Bilawal Bhutto Zardari, fils de l’ancienne première ministre Benazir Bhutto, assassinée en 2007.

Le Pakistan, qui dispose d’un arsenal nucléaire et occupe une position stratégique, entre l’Afghanistan, la Chine, l’Inde et l’Iran, est confronté à d’innombrables défis.

La sécurité s’est dégradée, notamment depuis le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan en août 2021. Son économie est en lambeaux, avec une dette abyssale et une inflation avoisinant les 30 %.