L’archipel de Nauru a rompu ses liens diplomatiques avec l’île, cédant à la volonté du géant asiatique

Le gouvernement chinois s’est réjoui lundi d’avoir réussi à convaincre l’archipel de Nauru de rompre ses liens diplomatiques avec Taïwan, témoignant de la volonté de Pékin de maintenir la pression sur l’île peu après un scrutin clé remporté par le camp indépendantiste.

Le président du petit archipel du Pacifique, David Adeang, a déclaré qu’il agissait « dans l’intérêt supérieur » de la population de son pays en se ralliant à Pékin.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Le géant asiatique a usé à plusieurs reprises de son poids économique au cours des dernières années pour faire fondre la liste d’États soutenant officiellement les visées autonomistes de Taipei plutôt que son plan de « réunification ». Il n’en reste plus aujourd’hui que 12.

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David Adeang, président de l’archipel de Nauru

L’annonce du changement de cap de Nauru rappelle l’étendue des efforts faits par les autorités chinoises pour « couper l’oxygène » à Taïwan. Elle vient souligner du même coup, en considérant l’élection de samedi, les limites de son approche, juge Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur du Canada en Chine.

Le vice-président sortant, Lai Ching-te, a été élu à la présidence, permettant au Parti démocrate progressiste (DPP) de remporter un troisième scrutin consécutif à ce poste.

« Le résultat de l’élection à Taïwan est une belle victoire pour la démocratie. La population ne s’est pas laissé intimider », note M. Saint-Jacques, qui ne s’attend pas à ce que le résultat exacerbe à court terme les risques d’intervention militaire contre l’île.

L’armée chinoise est minée par des problèmes de corruption et n’est pas prête à mener une opération complexe comme celle qui serait requise pour envahir Taïwan, relève l’analyste.

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Le souverainiste Lai Ching-te a remporté l’élection présidentielle à Taïwan, samedi dernier.

Pékin entend par ailleurs attendre le résultat de l’élection présidentielle américaine avant de décider de la marche à suivre, puisqu’une victoire de l’ex-président Donald Trump pourrait sensiblement changer la donne, dit-il.

L’administration de Joe Biden a réitéré à plusieurs reprises son appui à Taïwan au cours des dernières années, le chef d’État allant même jusqu’à promettre publiquement à quelques reprises un soutien militaire américain en cas d’attaque de Pékin alors que son pays maintient normalement une « ambiguïté stratégique » à ce sujet.

Les États-Unis ne reconnaissent pas officiellement Taïwan comme un État à part entière, mais entretiennent des liens étroits avec ses dirigeants et envoient régulièrement des dignitaires sur place pour souligner leur solidarité, au grand dam des autorités chinoises.

La visite en 2022 de l’ex-présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi avait notamment indigné Pékin et mené au lancement d’exercices militaires de grande envergure qui avaient fait craindre des dérapages.

Actions musclées

David Sacks, spécialiste de la Chine rattaché au Council on Foreign Relations, s’attend à ce que le résultat de l’élection de la fin de semaine renforce la détermination du président Xi Jinping à maintenir la pression contre Taipei même si la stratégie suivie semble relativement contre-productive.

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Le drapeau de l’archipel de Nauru a été retiré de son mât, devant un bâtiment du quartier diplomatique de Taipei, à Taïwan.

Le résultat du scrutin n’est pas totalement négatif pour Pékin, dit-il, puisque le DPP a perdu la majorité dont il disposait au Parlement et compte désormais un siège de moins que le Kuomintang, formation plus conciliante avec la Chine.

Il reste malgré tout qu’une partie importante de la population n’a pas voté comme le souhaitait Pékin et qu’un tel comportement mérite, dans l’esprit des autorités chinoises, une punition.

David Sacks, du Council on Foreign Relations

L’analyste s’attend notamment à des actions musclées sur le plan économique, qui pourraient aboutir au rétablissement de taxes à l’importation susceptibles de pénaliser les entreprises taïwanaises implantées dans les régions soutenant le DPP.

La pression militaire va sans doute aussi être maintenue même s’il ne faut pas s’attendre à un « Pelosi 2,0 », lance-t-il.

« Solide comme le roc »

Les actions sur le plan diplomatique vont continuer aussi, relève M. Sacks, qui voit l’annonce de la décision de Nauru au lendemain de l’élection comme une illustration de cette détermination.

« Ils ne vont pas tendre la main à Taïwan et dire qu’il faut essayer de trouver une façon de s’entendre. Ce n’est pas comme ça que Pékin fonctionne », ajoute-t-il.

Chen Binhua, porte-parole du gouvernement chinois cité par le quotidien Global Times, a indiqué que la volonté de son pays de « résoudre la question taïwanaise et de réaliser la réunification nationale demeure entière » et que la détermination du Parti communiste chinois « est solide comme le roc ».

Lai Ching-te a indiqué qu’il espérait ouvrir de nouvelles avenues de dialogue avec la Chine tout en prévenant qu’il protégerait l’île des « menaces et intimidations continuelles » de son puissant voisin.

« L’appel au dialogue ne va aller nulle part. C’est certain qu’ils vont lui opposer une fin de non-recevoir », note M. Saint-Jacques.