(New Delhi) La réunion d’une famille « dysfonctionnelle » : voilà comment le patron de l’ONU a décrit vendredi le sommet du G20, qui cherchera des compromis en matière d’économie et de climat, mais qui reste profondément divisé sur la guerre en Ukraine.

La plupart des chefs d’État et de gouvernement sont arrivés vendredi à New Delhi pour participer à une réunion de deux jours, samedi et dimanche.

Elle se tiendra sans le président russe Vladimir Poutine et sans le président chinois Xi Jinping, dont l’absence pose la question de la pertinence de ce grand rendez-vous diplomatique.

Le G20 est né en 2008 de la volonté de réguler la finance mondiale, alors dévastée, en mettant autour d’une même table vieilles nations industrialisées et puissances émergentes.

Lisez la chronique de Laura-Julie Perreault : « La vraie vedette du G20 »

Biden et Modi

Joe Biden, qui compte bien occuper l’espace laissé vacant par ses grands rivaux, a commencé vendredi par une réunion bilatérale avec Narendra Modi.

Le premier ministre indien veut profiter de ce sommet des 20 premières économies mondiales pour affirmer sa place dans la hiérarchie diplomatique mondiale.

Le chef de gouvernement nationaliste hindou et le président démocrate, à l’issue d’une rencontre fermée à la presse, mais dont New Delhi a diffusé des images, ont vanté dans un communiqué commun un « partenariat solide et durable ».

Dans la foulée, de Washington, le gouvernement américain a annoncé que les deux pays mettaient fin à leur tout dernier différend à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui concernait l’importation en Inde de produits agricoles américains.

Washington et New Delhi avaient déjà mis fin à plusieurs autres litiges commerciaux en juin, lors de la visite d’État de M. Modi à la Maison-Blanche.

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Le G20 apparaît divisé sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie, de nombreux pays en développement étant plus préoccupés par les prix des céréales que par les condamnations diplomatiques de l’attitude de Moscou.

Et ce dernier s’est dit vendredi « impatient » de recevoir à nouveau M. Biden l’an prochain pour une réunion du Quad (Japon, Australie, Inde, États-Unis), ce format diplomatique que Washington a relancé pour en remontrer à la Chine.

L’absence des dirigeants chinois et russe « est une déception pour l’Inde », a affirmé Kurt Campbell, un conseiller de Joe Biden. « [Mais] pour nos interlocuteurs indiens, c’est à la fois gratifiant et rassurant que les États-Unis soient au rendez-vous. »

Les Américains entendent peser de tout leur poids au moment où la famille mondiale se montre bien « dysfonctionnelle », comme l’a déploré le secrétaire général des Nations unies, António Guterres.

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Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres

« Les divisions s’accroissent, les tensions explosent et la confiance s’érode – ce qui, [mis] ensemble, fait planer le spectre de la fragmentation et, à terme, de l’affrontement », a-t-il déclaré.

Vers un G21 ?

Kurt Campbell, du côté américain, a toutefois assuré que les négociations avaient progressé sur le climat, et sur la formulation qui figurerait en la matière dans le communiqué final de la réunion.

Sur l’Ukraine, en revanche, il a laissé entendre que les désaccords subsistaient, lors d’un échange avec la presse : « Les États-Unis et leurs alliés restent concentrés, déterminés et résolus pour ce qui concerne l’Ukraine, et nous l’avons dit tout à fait clairement à tous nos interlocuteurs. »

L’Inde n’a pas adhéré aux sanctions contre Moscou après l’invasion. Et d’autres pays émergents refusent de s’aligner sur les Occidentaux.

Les États-Unis en sont conscients, et de toute façon, leur priorité à New Delhi est économique : doper les capacités de financement de la Banque mondiale notamment, pour offrir une solution de rechange aux gigantesques plans d’investissement chinois, les « Nouvelles routes de la soie ».

La Russie est représentée par son chef de la diplomatie Sergueï Lavrov, qui a déjà donné le ton dans un communiqué : « Nous travaillons étroitement avec tous les pays du G20 afin de […] lutter contre les tentatives d’expliquer les problèmes humanitaires et économiques dans le monde uniquement par “le conflit en Ukraine” ».

La Chine envoie quant à elle le premier ministre Li Qiang.

Jeudi, M. Modi a réitéré son souhait d’élargir le bloc en G21 avec « l’inclusion de l’Union africaine en tant que membre permanent ». Un projet qui, c’est chose rare au G20, semble plus ou moins faire consensus.