(Phnom Penh) Les Cambodgiens votaient dimanche pour des législatives sans suspense, à l’issue desquelles le premier ministre Hun Sen, qui dirige le pays d’une main de fer depuis 38 ans, devrait passer la main à son fils aîné.

Les bureaux de vote ont ouvert fermeront à 15 h (4 h heure de l’Est) et les premiers résultats sont attendus dans les heures qui suivront.

En l’absence de toute opposition crédible après l’exclusion du principal mouvement hostile au pouvoir, le Parti du peuple cambodgien (PPC) de Hun Sen devrait, comme en 2018, rafler l’ensemble des 125 sièges du Parlement.

Le scrutin a été qualifié de « profondément inquiétant » par une coalition de 17 ONG internationales, dans un communiqué diffusé samedi.

« L’exercice électoral à venir indique un manque notable de transparence, d’équité et d’inclusion dans le processus électoral », ont écrit les organisations de défense des droits, dont la FIDH et le Réseau asiatique pour des élections libres (Anfrel).

Hun Sen a voté quelques minutes après l’ouverture du scrutin à 7 h dans un bureau de vote de Ta Khmau, dans la banlieue de Phnom Penh, selon des journalistes AFP présents sur place.

PHOTO TANG CHHIN SOTHY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Hun Sen a voté quelques minutes après l’ouverture du scrutin dans un bureau de vote de Ta Khmau.

Plus de 9,7 millions d’électeurs sont appelés aux urnes pour les 7e élections nationales depuis les accords de paix de Paris en 1991, qui ont marqué la fin de l’ère des Khmers rouges.

A 70 ans, Hun Sen, l’un des leaders mondiaux au pouvoir depuis le plus longtemps, prépare sa succession, souhaitant cimenter le contrôle avant de passer le relais, dans les semaines à venir, à son fils aîné le général quatre étoiles Hun Manet (45 ans), formé aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

PHOTO CINDY LIU, REUTERS

Hun Manet, le fils aîné de Hun Sen, devrait succéder à son père dans les prochaines semaines.

« Nous avons exercé notre droit civil. Notre devoir et notre droit de citoyen à voter pour choisir le parti que nous aimons pour diriger le pays », a déclaré celui-ci aux journalistes après avoir voté en début de matinée dans un bureau de vote de la capitale, où il se présente.

Opposition muselée

Mais le dirigeant a prévenu les électeurs qu’il continuerait à dominer la politique cambodgienne même après son départ.

Ses détracteurs l’accusent d’avoir fait reculer les libertés fondamentales et utilisé le système judiciaire pour museler ses adversaires, qui ont été jetés par dizaines en prison.

Imposer son fils, « c’est un coup de poignard dans le dos du peuple cambodgien » de la part de Hun Sen, estime Phil Robertson de Human Rights Watch, une ONG de défense des droits humains.

Ses frasques « font ressembler le Cambodge à la Corée du Nord plutôt qu’à une véritable démocratie », constate-t-il.

Avant les législatives, sa politique de répression s’est encore durcie envers les opposants, privés de leur liberté ou en exil.

Lors du dernier scrutin national en 2018, le PPC avait remporté tous les sièges après la dissolution, par un tribunal, du principal parti d’opposition.

Cette fois-ci, c’est le Parti de la bougie, seul rival crédible du premier ministre, qui a été exclu de la course pour ne pas s’être enregistré correctement auprès de la commission électorale.

Imposer son fils

« Aujourd’hui est un jour de victoire pour nous », a lancé Hun Manet vendredi, lors du dernier rassemblement de la campagne, dont il était la principale figure, en l’absence de son père.

Hun Manet a récemment pris du galon, assumant petit à petit des fonctions assumées directement par son père.

Membre du puissant comité permanent, il est pour la première fois candidat sur une liste du PPC à Phnom Penh, première étape nécessaire pour devenir premier ministre.

Interrogé par l’AFP à la sortie du bureau de vote sur ce qu’il ferait une fois au pouvoir, Hun Manet a répondu qu’il « n’avait rien à déclarer là-dessus ».

« Il est né avec une cuillère en argent dans la bouche », analyse pour l’AFP le politologue Ou Virak. « Remplacer son père sera un défi majeur ».

« Je vote sans enthousiasme, il n’y a plus de partis d’opposition », a déclaré à l’AFP Oum Sokum, 51 ans, dans un bureau de vote poussiéreux de Phnom Penh, sous forte présence policière.

À l’approche des élections, la liberté d’expression a été largement étouffée avec la fermeture d’un des derniers médias indépendants, la lourde condamnation du principal opposant pour trahison et la modification de la loi électorale pour exclure de facto les opposants en exil des élections futures.