La Thaïlande s’enfonce dans une crise politique après le nouveau rejet mercredi par le Parlement de la candidature au poste de premier ministre du député progressiste Pita Limjaroenrat.

Après plus de sept heures de discussions, députés et sénateurs ont interdit (394 contre 312) au leader progressiste de se présenter une deuxième fois, après son échec jeudi dernier pour devenir chef du gouvernement.

Vainqueur des législatives du 14 mai sous la bannière du parti Move Forward, chouchou des nouvelles générations, Pita Limjaroenrat ne se faisait guère d’illusions avant ce dénouement, face à l’opposition tenace de l’establishment pro-armée qu’il combat.

Il apparaît que « le vote du peuple n’est pas suffisant pour gouverner le pays », a-t-il écrit sur Instagram.

En fin d’après-midi, environ 300 soutiens de Move Forward ont fait face aux policiers équipés de boucliers devant le Parlement.

« Pourquoi demander aux gens d’aller aux bureaux de vote ? », s’est interrogé l’un d’eux, qui a requis l’anonymat.

Ils ont été ensuite un millier dans la soirée devant le Monument de la démocratie, dans le centre de Bangkok.

Ces protestations concluaient une nouvelle journée émaillée de coups de théâtre, qui a vu la Thaïlande s’éloigner d’un gouvernement issu du parti le plus populaire.

La Cour constitutionnelle a commencé en suspendant Pita Limjaroenrat de ses fonctions de parlementaire, alors qu’il assistait aux débats sur sa deuxième candidature pour devenir chef du gouvernement.

« J’aimerais vous dire au revoir jusqu’à notre prochaine rencontre », a lancé l’intéressé au moment de quitter l’hémicycle, sous les applaudissements, le poing levé.

Suspension

Les juges de la Cour ont suivi les recommandations de la commission électorale, qui accuse le parlementaire de posséder des actions d’une chaîne de télévision, ce qui est interdit par la loi lors d’une campagne politique.

Pita s’est défendu de toute manœuvre illégale et a rappelé que le média en question, iTV, n’émettait plus depuis 2007. Il risque un bannissement de la vie politique durant vingt ans.

Cette décision a infligé un coup quasi-fatal au candidat, dont les chances étaient déjà minces de former le prochain gouvernement.

Plébiscité en mai pour son programme de rupture promettant de tourner la page d’une quasi-décennie de domination militaire, en écho aux manifestations pro-démocratie de 2020, Pita Limjaroenrat incarne à 42 ans le renouveau souhaité par les Thaïlandais.

Mais le champion de l’alternance, soutenu par une coalition majoritaire à l’Assemblée nationale, s’est heurté aux blocages des sénateurs nommés par l’armée qui lui reprochent ses ennuis judiciaires et son programme, jugé trop radical vis-à-vis de la monarchie.

Pita avait besoin du ralliement d’une cinquantaine de sénateurs supplémentaires (sur 250) pour obtenir la majorité requise. Seuls treize d’entre eux l’ont approuvé au premier vote.

Mais le vote n’a même pas eu lieu. Le camp conservateur a brandi un point du règlement qui empêche une motion préalablement refusée par le Parlement d’être présentée à nouveau lors d’une même session.

Son projet de réformer la loi sur la lèse-majesté a tracé une ligne jaune avec les sénateurs, qui refusent tout compromis avec Move Forward.