La situation demeurait très précaire, lundi, au Sri Lanka, alors que le président en fuite, Gotabaya Rajapaksa, promettait de remettre sa démission mercredi, ouvrant la voie à l’arrivée d’un nouveau dirigeant. Dans l’intervalle et face à une crise économique sans précédent, la population poursuit l’occupation du palais présidentiel.

Un nouveau président le 20 juillet ?

Protégé par des membres de l’armée dans un endroit tenu secret près de l’aéroport de Colombo depuis qu’il a fui son palais au cours du week-end (d’autres rumeurs indiquent qu’il a quitté le pays), le président Gotabaya Rajapaksa a fait savoir au premier ministre Ranil Wickremesinghe qu’il démissionnerait officiellement mercredi. Ce départ ouvrirait la voie à l’élection, par les députés, d’un nouveau président le 20 juillet. Selon The Guardian, le Parlement doit reprendre ses activités vendredi. D’ici à la désignation des nouveaux dirigeants, Ranil Wickremesinghe a promis de rester en place et qu’il donnerait par la suite sa démission.

Une chance pour Sajith Premadasa ?

Avec à sa tête Sajith Premadasa, candidat défait aux élections de 2019 au Sri Lanka et actuel leader de l’opposition, le parti Samagi Jana Balavegaya est en pourparlers avec d’autres plus petites formations politiques de l’opposition pour en venir à un accord provisoire et former un nouveau gouvernement. M. Premadasa, 55 ans, est le fils d’un ancien président du pays. Sur sa page Twitter, il a écrit lundi : « Nous formerons un nouveau gouvernement avec un nouveau président et un nouveau premier ministre. Tous ceux qui s’opposent à ce processus seront responsables de l’anarchie qui s’ensuivra. »

Des mois d’une crise sans précédent

Depuis des mois, le pays est plongé dans une crise indescriptible. Les réserves de devises étrangères sont au plus bas, les prix augmentent sans cesse, le carburant manque, les coupures d’électricités se multiplient. En place depuis la fin de 2019, l’actuel gouvernement a pris de mauvaises décisions, notamment en matière d’agriculture, qui ont nui aux récoltes. Selon l’ONU, quelque 80 % des individus de ce pays de 22 millions d’habitants sont forcés de sauter des repas.

Le tourisme foudroyé

Par ailleurs, une série d’attentats commis en avril 2019 et revendiqués par le groupe État islamique ont fait mal à l’industrie touristique sri-lankaise, dont les revenus étaient très importants pour l’économie du pays. En 2018, ces revenus frôlaient les 4,4 milliards de dollars américains. Ils ont régressé à 3,6 milliards l’année suivante à la suite de huit attaques terroristes commises dans des villes côtières qui ont fait 258 morts et 519 blessés. À la suite de l’éclatement de la pandémie en 2020, ces revenus ont chuté de façon vertigineuse les deux années suivantes.

  • Une foule dense remplissait le hall de la résidence présidentielle lundi, la deuxième journée de son occupation par des manifestants.

    PHOTO RAFIQ MAQBOOL, ASSOCIATED PRESS

    Une foule dense remplissait le hall de la résidence présidentielle lundi, la deuxième journée de son occupation par des manifestants.

  • Un homme joue du piano dans la résidence présidentielle occupée.

    PHOTO RAFIQ MAQBOOL, ASSOCIATED PRESS

    Un homme joue du piano dans la résidence présidentielle occupée.

  • Un homme pose dans le jardin de la résidence présidentielle.

    PHOTO DINUKA LIYANAWATTE, REUTERS

    Un homme pose dans le jardin de la résidence présidentielle.

  • Des occupants se prennent en photo dans le somptueux palais présidentiel.

    PHOTO RAFIQ MAQBOOL, ASSOCIATED PRESS

    Des occupants se prennent en photo dans le somptueux palais présidentiel.

  • Des manifestants s'occupent dans le gymnase de la résidence présidentielle.

    PHOTO ERANGA JAYAWARDENA, ASSOCIATED PRESS

    Des manifestants s'occupent dans le gymnase de la résidence présidentielle.

  • Non loin de la résidence, les bureaux présidentiels étaient également une destination populaire parmi les manifestants.

    PHOTO ERANGA JAYAWARDENA, ASSOCIATED PRESS

    Non loin de la résidence, les bureaux présidentiels étaient également une destination populaire parmi les manifestants.

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Une valise pleine de billets

En envahissant le palais présidentiel, les manifestants sri-lankais ont découvert une valise contenant quelque 17,8 millions de roupies (64 000 $ CAD) en billets neufs qu’ils ont sagement remis à la police. L’argent devait être présenté devant un tribunal lundi. Mais cela aidera peu à rembourser la dette extérieure qui est de 51 milliards de dollars. Le pays est en pourparlers avec le Fonds monétaire international (FMI) dans l’espoir de se renflouer.

Népotisme en haut lieu

Arrivé au pouvoir le 18 novembre 2019, le président Gotabaya Rajapaksa s’empresse de nommer son frère Mahinda (ancien président, 2005-2015) au poste de premier ministre. Deux autres membres de sa famille sont nommés dans le gouvernement, mais face à la grogne de la population, ils sont écartés du pouvoir en avril 2022. Mahinda Rajapaksa est remplacé par Ranil Wickremesinghe en mai. Or, la déconnexion avec le peuple est totale. Ainsi, à la suite d’une incursion des émeutiers chez lui, en fin de semaine, Ranil Wickremesinghe a constaté avec émoi que sa collection de peintures, de pièces bouddhistes et ses quelque 2500 livres rares étaient détruits. « Seule une mafia dirigée par Hitler pouvait faire ça », a-t-il lancé.

PHOTO ISHARA S. KODIKARA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président en fuite Gotabaya Rajapaksa (à droite) et son premier ministre — et frère —, Mahinda Rajapaksa, peu après l’élection de ce dernier, en 2019

Appel au dialogue

À l’ONU, le secrétaire général António Guterres a lancé un appel au calme et invité tous les partis au dialogue pour en arriver à une transition en douceur. Sur le terrain, la coordonnatrice résidente des Nations unies, Hanaa Singer-Hamdy, a estimé que le pays « fait face à a sa pire crise économique depuis l’indépendance ». Selon elle, la sécurité alimentaire, l’agriculture, les moyens de subsistance et l’accès aux soins de santé doivent être mis en priorité.

Sources : Central Bank of Sri Lanka, The Guardian, ONU Info, Agence France-Presse, TV5 Monde

En savoir plus
  • 52,25
    Aux élections du 16 novembre 2019, le parti SLPP de Gotabaya Rajapaksa avait pris le pouvoir avec 52,25 % du vote (6 924 255 voix) contre 41,99 % (5 564 239 voix) des bulletins au parti NDF de Sajith Premadasa.
    Source : election.adaderana.lk