(Phnom Penh) Les Cambodgiens ont voté dimanche à des élections locales qui font figure de test avant les élections législatives de l’an prochain pour Hun Sen, au pouvoir depuis 37 ans, et qui n’a pas encore clarifié ses intentions.

Le premier ministre, l’un des plus anciens dirigeants au monde, gouverne le Cambodge d’une main de fer et son parti occupe l’ensemble des sièges au parlement depuis 2018.

Tout sourire en début de journée, dans un bureau de vote d’une école de la périphérie de la capitale Phnom Penh, en compagnie de sa femme Bun Rany, il a refusé de s’adresser aux médias.

Ses détracteurs et les groupes de défense des droits de la personne l’ont de leur côté accusé de créer un climat de peur.

Procès, exil

Le Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP), une formation d’opposition qui avait remporté 44 % des voix aux élections locales de 2017, a ainsi été contraint de renoncer à tous ses mandats après sa dissolution l’année suivante par la Cour suprême.

Et des dizaines de personnalités de l’opposition ont fui le Cambodge tandis que d’autres ont été arrêtées.

Le chef de l’opposition Kem Sokha, qui a été emprisonné pendant plus d’un an, fait face à un procès pour trahison et le cofondateur du CNRP Sam Rainsy vit en exil en France pour échapper à des condamnations qu’il juge de caractère politique.

Le vote de dimanche dans 1652 communes (groupements de villages) permettra de prendre le pouls politique du royaume avant les élections nationales de 2023.  

Dans plusieurs bureaux de vote de Phnom Penh, un journaliste de l’AFP a vu le Parti du peuple cambodgien (PPC) au pouvoir largement devancer le principal parti d’opposition, sur la base du premier comptage des bulletins.  

Les électeurs ont mis en avant la paix et le développement de leur pays en votant pour le parti de Hun Sen.

« J’ai choisi le même vieux candidat, je n’ai pas changé », a souligné Srey Chan Samuth, 76 ans. « Nous travaillons ensemble depuis le début, donc nous savons qui est bon et qui est mauvais ».

Au total, 17 partis politiques sont en lice et plus de 11 600 postes sont à pourvoir, la majorité d’entre eux étant actuellement entre les mains du PPC.

Photo TANG CHHIN SOTHY, Agence France-Presse

Une femme remettant son bulletin de vote

« Dernier espoir »

Mais tous les regards sont tournés vers les résultats du Parti de la lumière des bougies (CP), fondé par Sam Rainsy en 1995, qui présente des candidats dans presque toutes les communes et qui bénéficie d’un fort soutien.  

« Le Parti de la lumière des bougies est le dernier espoir pour le peuple, bien que nous souffrions d’intimidations, de menaces et de harcèlement politique », a déclaré à l’AFP son secrétaire général Lee Sothearayuth.  

La porte-parole du Bureau des droits de l’homme des Nations unies, Liz Throssell, s’est dite préoccupée par les manœuvres d’intimidation et d’obstruction ayant visé les candidats de l’opposition à l’approche des élections.

Elle a prévenu que le CP était « confronté à un environnement politique paralysant » après l’arrestation d’au moins six candidats et militants avant le scrutin.

Le CP est la seule formation qui « représente une menace réaliste » pour le parti au pouvoir, selon Sebastian Strangio, auteur d’un livre sur Hun Sen.

« Une démonstration de force de l’opposition serait la preuve que le mécontentement populaire contre le pouvoir du CPP continue de couver sous la surface », a-t-il déclaré à l’AFP.  

Le porte-parole du CPP, Sok Eysan, a toutefois assuré à l’AFP dimanche soir que son parti avait remporté la majorité des postes en jeu et obtiendrait environ 90 % des suffrages.

Mais certains électeurs ont dit vouloir de nouveaux visages pour diriger leurs communautés.  

« J’ai voté pour le changement et la justice sociale », a ainsi raconté à l’AFP un homme de 35 ans, qui a requis l’anonymat.  

Le Comité électoral national a annoncé que le taux de participation avait été de près de 78 %, 7,1 millions de personnes s’étant rendues aux urnes.  

Les résultats officiels ne sont pas attendus avant le 26 juin.