(Rangoun) Le Conseil de sécurité de l’ONU a été sommé vendredi par des civils birmans de prendre des mesures fortes contre les militaires en Birmanie qui ont refusé une nouvelle fois de recevoir son émissaire en tournée en Asie.

Christine Schraner Burgener, qui doit se rendre en Chine, alliée traditionnelle de l’armée birmane et catégoriquement opposée à toute prise de sanctions à son égard, a débuté sa tournée dans la région par la Thaïlande.

Depuis le coup d’État du 1er février qui a renversé le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi, la Birmanie est secouée par des manifestations quotidiennes avec un bilan de la répression qui a passé le cap des 600 morts.

Lors d’une réunion du Conseil de sécurité, sa première publique depuis début février, les États-Unis et plusieurs pays européens ont réclamé que la plus haute instance onusienne aille au-delà des trois déclarations unanimes adoptées depuis le coup d’État.

« Tergiverser »

« Est-ce que le Conseil va tergiverser sur les mots dans une nouvelle déclaration ou va-t-il agir pour sauver la vie des Birmans ? », a lancé l’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield. « L’armée a ignoré nos condamnations, défiant le Conseil de sécurité », a-t-elle déploré.  

Plus concret, son homologue estonien, Sven Jurgenson, a réclamé une résolution du Conseil qui inclurait des sanctions contre la Birmanie, notamment un embargo international sur les armes.

De nombreux membres du Conseil ont souligné l’importance d’une visite rapide de l’émissaire de l’ONU en Birmanie. Mais « nous n’avons pas permis cela. Et nous n’avons nullement l’intention de permettre cela maintenant », a déclaré vendredi à l’AFP le porte-parole de la junte, Zaw Min Tun.

PHOTO FOURNIE À REUTERS

Des affrontements entre manifestants et policiers ont éclaté à Taze, vendredi.

« Je regrette que Tatmadaw m’ait répondu hier (jeudi) qu’ils ne sont pas prêts à me recevoir », a dit sur Twitter Christine Schraner Burgener, employant le nom officiel de l’armée en Birmanie. « Je suis prête pour le dialogue. La violence ne mène jamais à des solutions durables », a-t-elle ajouté.

Au moins 614 civils ont été tués par les forces de sécurité lors des manifestations, selon l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP).

Mais le bilan pourrait être plus lourd : plus de 2800 personnes ont été arrêtées. Beaucoup, sans accès à leurs proches ou à un avocat, sont portées disparues.

Le sang a de nouveau coulé vendredi matin. Selon les secours, au moins quatre personnes ont été tuées lorsque les forces de sécurité ont détruit des barricades de contestataires dans la ville de Bago, à environ 65 km au nord-est de Rangoun.

Pour des civils birmans, qui se sont exprimés vendredi lors de la réunion du Conseil de sécurité, la communauté internationale n’a pas répondu à la hauteur de l’enjeu jusqu’à présent.

Limogé par la junte, mais toujours en fonctions, l’ambassadeur birman à l’ONU a supplié le Conseil de sécurité d’agir. « S’il vous plaît, s’il vous plaît, passez à l’action », a imploré Kyaw Moe Tun, en déplorant « un manque d’action forte et adéquate de la communauté internationale, en particulier du Conseil de sécurité de l’ONU ».  

« Zone d’exclusion aérienne »

Le diplomate a notamment demandé au Conseil d’établir une « zone d’exclusion aérienne » en Birmanie pour arrêter les raids du régime contre des minorités et d’imposer des « sanctions » internationales contre la junte militaire assorties d’un « embargo sur les armes ».

La répression féroce continue de faire des remous au sein de la communauté internationale, y compris en Asie où un sommet convoqué en urgence sur la Birmanie devrait se tenir le 20 avril, selon la France. « Nous attendons avec impatience les conclusions du sommet de crise prévu le 20 avril », a déclaré l’ambassadrice française adjointe à l’ONU, Nathalie Broadhurst, en saluant « les efforts de (l’association régionale) Asean » pour trouver une issue à la crise.

Au Royaume-Uni, à l’origine de la session du Conseil de sécurité vendredi, le gouvernement a offert sa protection à l’ambassadeur birman à Londres, favorable à Aung San Suu Kyi, qui a été évincé de son poste par la junte.

Mercredi soir, des diplomates proches de la junte s’étaient emparés de l’ambassade.

De leur côté, les États-Unis ont annoncé des sanctions contre une entreprise d’État birmane de production de pierres précieuses, disant vouloir priver la junte de cette manne.

Parmi les personnalités birmanes invitées à s’exprimer devant le Conseil de sécurité figurait Daw Zin Mar Aung, une représentante du groupe de résistance baptisé CRPH, le Comité pour représenter le Pyidaungsu Hluttaw, l’organe législatif birman.

Le CRPH assure avoir déjà rassemblé quelque 270 000 éléments prouvant des violations des droits humains « de grande ampleur ». Il a déjà entamé cette semaine des discussions avec des enquêteurs de l’ONU.

La junte estime qu’elle répond de manière proportionnée à de violentes manifestations. Lors d’une conférence de presse vendredi dans la capitale Naypyidaw, des membres des forces de sécurité ont montré des armes qu’ils disent avoir prises à des manifestants.

Le porte-parole de la junte a en outre accusé le personnel médical de « tuer des gens de sang-froid » en refusant de travailler.

Dans le cadre de la mobilisation prodémocratie, des dizaines de milliers de travailleurs sont en grève et des secteurs entiers de l’économie, paralysés.

Un média d’État a annoncé vendredi que 19 personnes avaient été condamnées à mort pour vol et meurtre par une cour martiale, précisant que 17 d’entre elles avaient été jugées en leur absence.