(Okuma) Il y a dix ans, un puissant tsunami a dévasté la centrale nucléaire de Daiichi, à Fukushima. Trois de ses réacteurs ont fondu, lui donnant l’apparence d’une usine bombardée. Des travailleurs d’urgence ont risqué leur vie pour combattre une des pires catastrophes nucléaires de l’histoire.

Les boyaux de plastique reliés ensemble avec du ruban et le panneau électrique extérieur infesté par les rats qui causait des pannes ont maintenant été remplacés par de l’équipement plus approprié. Les niveaux de radiation ont suffisamment chuté pour que les employés et les visiteurs puissent porter des vêtements normaux et des masques de procédure dans la plupart des sections.

Mais au cœur de la centrale, un dragon sommeille. Les responsables ne savent pas exactement combien de temps durera le nettoyage, s’il réussira et ce qu’on fera du terrain où se trouve la centrale.

Des journalistes de l’Associated Press ont récemment visité la centrale pour constater la progression des opérations de nettoyage à l’occasion du dixième anniversaire de la catastrophe, et pour prendre la mesure des défis qui doivent encore être surmontés.

QUE S’EST-IL PRODUIT IL Y A DIX ANS ?

Après un séisme de magnitude 9,0 le 11 mars 2011, un tsunami de 17 mètres a frappé la centrale côtière, détruisant son alimentation électrique et ses systèmes de refroidissement, et provoquant l’implosion des réacteurs 1, 2 et 3.

Les trois autres réacteurs de la centrale étaient éteints à ce moment-là et ont survécu. Des explosions d’hydrogène se sont produites dans les trois réacteurs détruits et dans un quatrième édifice, laissant échapper des doses massives de radiation et contaminant à long terme la région.

Le gestionnaire de la centrale, Tokyo Electric Power (TEPCO), assure que le tsunami n’aurait pas pu être anticipé, mais des rapports gouvernementaux, des enquêtes indépendantes et de récents jugements décrivent une catastrophe d’origine humaine causée par une sécurité négligente, une supervision insouciante de la part des responsables et une collusion.

QUE TROUVE-T-ON À L’INTÉRIEUR DES RÉACTEURS DÉTRUITS ?

Environ 900 tonnes de combustible nucléaire fondu se trouvent toujours dans les trois réacteurs endommagés. Leur récupération est une tâche colossale qui, selon les responsables, pourrait prendre 30 ou 40 ans. D’autres experts croient que cette estimation est beaucoup trop optimiste.

Des opérations distinctes pour récupérer le combustible épuisé des piscines de désactivation à l’intérieur des réacteurs ont été freinées par la radiation et les débris, et elles sont maintenant retardées d’environ cinq ans. Si un autre séisme se produit et que ces piscines se vident, les barres de combustible pourraient rapidement surchauffer et causer une catastrophe encore plus grave.

Les cœurs fondus des réacteurs 1, 2 et 3 sont essentiellement tombés au fond de leurs enceintes de confinement primaires. Certains se sont fusionnés avec la fondation de ciment, rendant leur récupération extrêmement difficile.

Des robots téléguidés munis de caméras ne donnent qu’un aperçu incomplet du combustible qui a fondu dans des secteurs encore trop dangereux pour les humains.

Le directeur de la centrale, Akira Ono, explique que l’impossibilité de voir ce qui se passe à l’intérieur des réacteurs signifie qu’on ne sait pas encore tout du combustible fondu.

Y A-T-IL DES FUITES SOUTERRAINES ?

Depuis la catastrophe, de l’eau de refroidissement contaminée s’échappe constamment des enceintes de confinement primaires et se mêle aux eaux souterraines. Cette eau est récupérée et traitée. Une partie redevient de l’eau de refroidissement, tandis que le reste est stocké dans un millier de réservoirs géants sur le site de la centrale.

Aux premiers jours de la crise, de l’eau très contaminée s’est échappée dans l’océan, mais les principales fuites ont maintenant été colmatées, selon TEPCO. Des tonnes de sacs de sable contaminés qui contenaient une substance pour réduire le césium dans l’eau extrêmement contaminée demeurent entreposés dans deux sous-sols.

Des quantités infimes de radiation continuent de s’échapper dans la mer et dans l’environnement, mais les chercheurs assurent que les poissons capturés près des côtes sont sécuritaires.

QUE FERA-T-ON DE L’EAU RADIOACTIVE ENTREPOSÉE ?

Plus d’un millier de réservoirs remplis d’eau traitée, mais toujours radioactive, accueillent travailleurs et visiteurs à la centrale.

TEPCO indique que les réservoirs atteindront leur pleine capacité de 1,37 million de tonnes en 2022. La recommandation d’un comité gouvernemental que cette eau soit vidée dans l’océan se heurte à l’opposition farouche des résidents, principalement les pêcheurs qui craignent de nouveaux dommages à la réputation de la région. Une décision concernant cette recommandation est attendue.

TEPCO et des responsables gouvernementaux disent que le tritium, qui est inoffensif en petites quantités, ne peut être éliminé de l’eau, mais que tous les autres isotopes ciblés peuvent être réduits à des niveaux sécuritaires avant le renvoi dans l’environnement.

TEPCO a réussi à réduire des deux tiers la quantité d’eau contaminée par le biais de différentes mesures.

À QUOI RESSEMBLE UNE VISITE DE LA CENTRALE ?

La première chose que voient les visiteurs est un bureau bien décoré qui accueille l’équipe de démantèlement de TEPCO.

Dans un autre édifice, les employés de la centrale — soit environ 4000 personnes par jour ces jours-ci — franchissent des points de contrôle automatisés et se soumettent à des mesures de la radiation.

Puisque les niveaux de radiation ont grandement chuté dans la foulée des opérations de décontamination, de l’équipement de protection est seulement requis en quelques endroits, y compris à l’intérieur et à proximité des réacteurs endommagés.

Lors d’une récente visite, les journalistes de l’AP ont enfilé des vêtements de protection partielle pour se rendre dans des endroits faiblement radioactifs : un casque, deux paires de chaussettes, des gants de coton, des masques de procédures, des lunettes de sécurité et une veste avec un dosimètre personnel.

Des vêtements de protection complète — des combinaisons pour matières dangereuses, un masque qui recouvre tout le visage, trois paires de chaussettes et des gants de caoutchouc doublés — ont été requis pour visiter une piscine d’entreposage.

QUEL EST L’OBJECTIF FINAL ?

Dix ans après la catastrophe, le Japon ne sait toujours pas ce qu’il fera du combustible nucléaire fondu et fortement radioactif, des débris et des détritus de la centrale. La technologie n’est pas non plus encore assez avancée pour réduire la toxicité des déchets.

TEPCO dit qu’elle doit se débarrasser des réservoirs d’eau contaminée pour libérer l’espace où les travailleurs érigeront des installations pour entreposer et étudier les déchets, notamment le combustible fondu.

Il y a environ 500 000 tonnes de déchets radioactifs solides.

On ne sait pas à quoi ressemblera la centrale une fois les travaux complétés. Des dirigeants locaux et des résidents espèrent que le site deviendra un jour un espace qu’ils pourront fréquenter librement. On ne sait toutefois pas si et quand cela se produira.