(Pékin) La Chine a rejeté mercredi la proposition américaine d’accorder à Taïwan une « participation significative » à l’ONU, dans un climat de tension qui pourrait s’aggraver après les dernières critiques de Joe Biden envers Pékin.

Le président américain a répliqué à la Chine lors du sommet des pays de la région Asie-Pacifique, auquel participe également le premier ministre chinois.

S’exprimant par liaison vidéo, M. Biden a souligné que les États-Unis étaient « profondément préoccupés par les actions coercitives et agressives de la Chine […] dans le détroit de Taïwan », qui sépare la Chine continentale de Taïwan.

Les tensions s’y sont accrues avec la multiplication des incursions aériennes chinoises à proximité de Taïwan, que Pékin considère comme une province devant être réunie, si nécessaire par la force, à la Chine.

De telles actions « menacent la paix et la stabilité régionales », a ajouté le président américain, selon un enregistrement de ses propos obtenu par l’AFP.

La polémique entre les deux géants du Pacifique survient alors que le régime communiste vient de célébrer en fanfare le 50e anniversaire de son adhésion à l’ONU, au détriment du gouvernement taïwanais qui occupait auparavant le siège attribué à la Chine.  

Mardi, dans un communiqué évoquant cet évènement, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken avait appelé les États membres des Nations unies à « soutenir une participation significative et robuste de Taïwan dans le système de l’ONU et la communauté internationale ».

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Le secrétaire d’État Antony Blinken lors d’une audience du Comité sénatorial des relations étrangères sur la colline du Capitole à Washington, le 14 septembre 2021.

« Taïwan n’a aucun droit de participation à l’ONU », a rétorqué mercredi à Pékin le porte-parole du Bureau des affaires taïwanaises, Ma Xiaoguang, rappelant que seuls des États souverains peuvent adhérer aux Nations unies et assurant que « Taïwan fait partie de la Chine ».

Taipei a remercié Washington pour son appel. « Nous apprécions beaucoup cela » et « nous continuerons à nous battre pour nos droits dans les organisations internationales afin que le peuple de Taïwan puisse apporter sa contribution », a déclaré mercredi le chef de la diplomatie taïwanaise, Joseph Wu, à des journalistes à Prague où il est arrivé en provenance de Slovaquie-des visites contre lesquelles Pékin a protesté.

M. Wu a observé que la situation dans le détroit de Taïwan « semble devenir plus dangereuse », disant Taïwan prêt à « renforcer ses capacités de défense ».

« Nous sommes déterminés à nous défendre », a poursuivi M. Wu. « Nous essayons d’avoir des amis dans le monde afin que Taïwan ne soit pas isolé ».

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La zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) de Taïwan, superposée sur son espace aérien national (en rouge). Les incursions récentes ont eu lieu dans la partie sud-ouest, au-dessus de la mer de Chine et près de la limite de l’espace aérien national de Taïwan.

Le secrétaire d’État américain a relevé que la participation de Taïwan « à certaines agences spécialisées de l’ONU » avait été effective « au cours de l’essentiel des 50 dernières années ».  

M. Blinken a toutefois fait remarquer qu’elle était devenue « récemment » impossible, notamment au sein de l’Organisation mondiale de la santé ou de l’Organisation de l’aviation civile internationale-pointant, sans la nommer, l’opposition grandissante de la Chine.

« L’exclusion de Taïwan sape le travail important de l’ONU et de ses agences », a-t-il insisté, affirmant qu’une participation taïwanaise au système onusien « n’est pas une question politique, mais une question pragmatique ». Il martèle qu’elle est conforme à sa doctrine à l’égard de l’île et de la Chine.

« Engagement » de défense

Washington défend régulièrement une meilleure représentation de Taipei dans les agences des Nations unies et les réunions internationales.

La Chine considère l’île de 23 millions d’habitants, qu’elle ne contrôle pas, comme une de ses provinces en attente de réunification avec le reste du pays.

Le géant asiatique a multiplié récemment les incursions d’avions de guerre dans la zone de défense aérienne de Taïwan, faisant redouter une volonté de rompre à terme avec le statu quo-et poussant les États-Unis à hausser le ton.

Interrogé la semaine dernière sur la possibilité d’une intervention militaire américaine pour défendre Taïwan en cas d’attaque chinoise, le président Joe Biden avait répondu : « Oui, nous avons un engagement en ce sens ».

Sa déclaration paraissait contredire la politique de longue date des États-Unis dite « d’ambiguïté stratégique » : Washington aidait Taipei à construire et renforcer ses défenses, sans promettre explicitement de l’aider en cas d’attaque.

Les propos du président américain avaient été mal accueillis à Pékin, qui l’avait appelé à la « prudence » pour « ne pas nuire gravement aux relations sino-américaines ».

Le gouvernement américain avait ensuite pris soin d’assurer que sa politique à l’égard de Taïwan n’avait pas changé.

Les États-Unis reconnaissent depuis 1979 la Chine communiste, au détriment de Taïwan, mais le Congrès américain impose parallèlement de fournir des armes à l’île pour sa défense.