(Dacca) Plusieurs milliers de réfugiés rohingya se sont « rebellés » lundi pour dénoncer leurs conditions de vie sur Bhashan Char, une île limoneuse battue par les cyclones au large du Bangladesh, lors d’une visite d’une délégation des Nations unies, a indiqué la police.

Jusqu’à 4000 personnes, selon la police, ont participé à ce mouvement de protestation durant une visite d’inspection de responsables de l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

« Les Rohingya […] se sont rebellés dès que les représentants du HCR ont atterri (sur l’île) en hélicoptère aujourd’hui », a déclaré à l’AFP Alamgir Hossain, chef de la police locale. « Ils demandent à ne pas vivre ici ».

« Ils ont cassé les vitres des entrepôts en lançant des pierres. Ils se sont attaqués à la police », a-t-il poursuivi.  

Un réfugié rohingya a confirmé à l’AFP que des briques avaient été lancées et que la police les avait empêchés d’entrer dans un bâtiment où se trouvait la délégation du HCR.  

Un militant international des droits de l’homme a indiqué que la police avait utilisé des matraques pour disperser les manifestants. Citant des sources rohingya, il a déclaré que plusieurs manifestants avaient été blessés. Mais la police a rejeté cette affirmation.

Selon un porte-parole de la police, les manifestants rohingya ont attaqué des policiers, en blessant plusieurs. Ils ont également endommagé des voitures sur l’île, a-t-il dit.

Une porte-parole du HCR a confirmé qu’une délégation, comprenant le Haut-Commissaire adjoint pour les opérations et le Haut-Commissaire adjoint pour la protection, avait visité Bhasan Char.

Dans un communiqué, l’agence onusienne s’est déclarée « profondément préoccupée d’apprendre que des réfugiés ont été blessés au cours des évènements d’aujourd’hui sur l’île », indiquant que « des femmes et des enfants » figurent parmi les blessés selon certaines informations.

« Situation désespérée »

« La délégation du HCR a pu rencontrer de nombreux réfugiés et écouter les différentes questions qu’ils ont soulevées et dont la délégation discutera avec les autorités du Bangladesh », a-t-elle indiqué.

Elle a précisé que la délégation était partie à Cox’s Bazar et qu’elle visiterait les camps de réfugiés rohingya mardi, avant de retourner à Dacca pour rencontrer de hauts responsables du gouvernement.

La plupart de ces réfugiés ont fui leur pays, la Birmanie voisine, en 2017, où une offensive militaire était menée contre eux avec une « intention génocidaire », selon les conclusions des enquêteurs de l’ONU.  

Depuis décembre, les autorités du Bangladesh ont transféré quelque 18 000 réfugiés rohingya depuis les camps de Cox’s Bazar jusqu’à l’île de Bhashan Char. Le projet des autorités prévoit le transfert de 100 000 Rohingya sur les 850 000 qui vivent dans la désolation des camps de Cox’s Bazar.  

L’ONU a déclaré ne pas avoir été impliquée dans ce processus.

Dès le premier transfert à Bhashan Char, le 4 décembre, plusieurs Rohingya avaient raconté à l’AFP avoir été battus et menacés pour qu’ils consentent à être relogés sur l’île inondable.  

Des groupes de défense des droits se sont fait l’écho de ces accusations que le gouvernement du Bangladesh a aussitôt rejetées, affirmant en outre que l’île était sûre et ses installations bien plus confortables que celles de Cox’s Bazar.  

La police a indiqué à l’AFP qu’au moins 49 Rohingya, dont des femmes et des enfants, avaient été arrêtés ces dernières semaines après avoir fui l’île. Mais selon les dirigeants rohingya, des dizaines voire des centaines de Rohingya se sont échappés et sont retournés à Cox’s Bazar.

Un homme a déclaré à l’AFP sous couvert d’anonymat avoir quitté l’île en nageant puis en montant à bord d’un bateau de pêche, moyennant 300 dollars.

« Les Rohingya sont dans une situation désespérée là-bas. Les (camps) de Cox’s Bazar sont mille fois mieux que Bhashan Char », a-t-il déclaré.