(Hong Kong) Plusieurs dizaines de militants prodémocratie hongkongais, poursuivis pour « subversion » ont été renvoyés mardi soir dans leurs cellules, avant une troisième journée de l’audience visant à leur inculpation formelle, dans une affaire qui a fait redoubler les critiques à l’égard de la répression exercée par la Chine dans le territoire.

Pékin a engagé en 2020 une reprise en main musclée de sa région semi-autonome, dans la foulée de l’immense mobilisation pour la démocratie qui a ébranlé l’ex-colonie britannique pendant des mois en 2019.

L’un des principaux outils de cette répression est une loi draconienne sur la sécurité nationale, en vertu de laquelle des poursuites ont été lancées dimanche pour « subversion » contre 47 militants qui ont été présentés lundi au tribunal.

Ils représentent un spectre très large de l’opposition locale, avec d’anciens députés, des universitaires, des avocats, des travailleurs sociaux et nombre de militants plus jeunes comme Joshua Wong, déjà détenu dans une autre affaire.

Des centaines de leurs partisans s’étaient massés lundi aux abords du tribunal de Kowloon, scandant des slogans prodémocratie, un rassemblement dont l’ampleur n’avait plus été vue à Hong Kong depuis des mois, et qui n’était pas sans rappeler les manifestations de 2019.

En temps normal, les audiences statuant sur le placement en détention provisoire des inculpés sont une affaire de quelques heures.

Poursuivis pour les primaires

Mais le tribunal a eu fort à faire avec d’une part la lourdeur du contentieux -47 prévenus- et de l’autre les approximations d’une loi sur la sécurité nationale qui, aussi draconienne soit-elle, est très vaguement formulée.  

Une des grandes nouveautés du texte est qu’il considère que la mise en liberté sous caution n’est plus automatique dans le cadre de crimes non violents.

Lundi, il s’était écoulé pas moins de 15 heures entre le début de l’audience et son ajournement. Les débats avaient finalement été suspendus à 1 h 45 locale mardi après l’évanouissement d’une inculpée, Clarisse Yeung. Trois autres ont été emmenés à l’hôpital en ambulance.

La deuxième journée d’audience, mardi, s’est également terminée dans la nuit sans que la procédure ait pu être menée à son terme, et l’examen des charges reprendra mercredi.

Les prévenus sont poursuivis en lien avec les primaires de l’opposition, auxquelles 600 000 personnes ont participé en juillet, dans l’optique de capitaliser sur l’immense popularité de la mobilisation de 2019 aux législatives de septembre-finalement reportées d’un an au prétexte du coronavirus.  

Ces primaires avaient déclenché les foudres de la Chine qui les a présentées comme une « grave provocation », une tentative de paralyser le gouvernement de la ville, et a prévenu que la campagne pouvait relever de la « subversion » en vertu de la loi sur la sécurité nationale.

La plupart de ces candidats avaient par la suite été disqualifiés par les autorités.  

« Rien à voir avec le droit »

Mais les détracteurs de Pékin estiment que son rejet des primaires signifie au final que toute forme d’opposition est désormais illégale à Hong Kong.

La subversion est, avec la sécession, le terrorisme et la collusion avec les forces étrangères, un des quatre crimes visés par la loi sur la sécurité nationale que Pékin a imposée fin juin 2020 et qui prévoit des peines de prison à vie.

« Ce procès n’a rien à voir avec le droit. Il ne fait que montrer comment le Parti communiste chinois abuse ouvertement de son pouvoir et utilise les tribunaux pour exhiber ce pouvoir », a dénoncé sur Facebook le militant Nathan Law, qui s’est exilé l’année dernière en Grande-Bretagne.

« La participation au processus politique ne devrait jamais être un crime », a déclaré de son côté le porte-parole du Département d’État américain Ned Price.  

« C’est un autre exemple de la façon dont la loi sur la sécurité nationale est utilisée pour museler la dissidence, et non pour améliorer la sécurité », a-t-il estimé.

La Chine a balayé toutes les accusations de répression à Hong Kong, affirmant qu’elle doit restaurer la stabilité dans sa région après la crise politique de 2019 et s’assurer que seuls les « patriotes convaincus » gèrent la ville.

Le gouvernement de Hong Kong a quant à lui rejeté mardi toute critique, y voyant un « irrespect à l’égard de notre système judiciaire ».

* Les « cinq demandes et pas une de moins » de l’opposition prodémocratie

1) Retrait complet par Hong Kong des discussions politiques la loi sur l’extradition avec la Chine.

2) Abandon par le gouvernement des termes « émeutes » et « émeutiers » pour qualifier les manifestations et les manifestants, et par ce fait, libération de toute personne incarcérée en abandonnant toute poursuite judiciaire.

3) Libération de tous les manifestants arrêtés.

4) Création d’une commission d’enquête externe et indépendante, pour rédiger des rapports sur les violences policières et mettre en lumière toutes les disparitions non expliquées et les attaques répétées des triades chinoises sur les manifestants isolés.

5) Adoption du suffrage universel dans la démocratie de Hong Kong.