(Hong Kong) Plus de cinquante figures de l’opposition prodémocratie, dont un avocat américain, ont été arrêtées mercredi à Hong Kong, le plus gros coup de filet à ce jour dans le cadre de la récente loi sur la sécurité nationale imposée par la Chine.

Les autorités chinoises ont engagé en 2020 une reprise en main musclée de l’ex-colonie britannique, théâtre l’année précédente d’une mobilisation populaire pro-démocratie inédite depuis sa rétrocession à la Chine en 1997.  

Ces interpellations s’inscrivent dans cet effort pour museler la dissidence. Elles sont liées pour la plupart aux primaires organisées l’été dernier par l’opposition prodémocratie en vue des législatives de septembre dans le territoire, finalement reportées d’un an.

Selon la police, 53 personnes, dont un avocat américain, ont été arrêtées pour « subversion » durant l’opération matinale qui a mobilisé un millier d’agents.  

Le ministre hongkongais de la Sécurité, John Lee, a jugé « nécessaires » ces arrestations  de personnes ayant cherché à « noyer Hong Kong dans les abysses » et à « renverser le gouvernement ».

Le Bureau de liaison chinois à Hong Kong, ouvert en juillet une semaine après l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale, a déclaré que ces personnes susceptibles d’être poursuivies avaient « organisé stratégiquement ou mis en œuvre un plan pour paralyser le gouvernement ».

La porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hua Chunying, a assuré que ce qui était menacé, ce n’était que « la liberté de certaines forces extérieures et individus à Hong Kong, qui s’associent les uns aux autres pour tenter de saper la stabilité et la sécurité de la Chine ».

« Continuez ! »

Aux États-Unis, l’opération a été rapidement condamnée par Antony Blinken, choisi par le président élu Joe Biden pour diriger sa diplomatie et qui a dénoncé une « attaque contre ceux qui défendent courageusement les droits universels ».

« L’administration Biden-Harris se tiendra aux côtés du peuple de Hong Kong et contre la répression de la démocratie par Pékin », a-t-il promis.

Du côté de l’Union européenne, « nous appelons à la libération immédiate des personnes arrêtées […] et nous allons réagir contre l’utilisation de la loi sur la sécurité pour étouffer les libertés politiques à Hong Kong en utilisant des sanctions, si cela est accepté par les États membres », a annoncé le porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

La Grande-Bretagne, par la voix de son ministre des Affaires étrangères britannique Dominic Raab, a dénoncé une « atteinte grave aux droits et libertés ».

« Ces arrestations démontrent que les autorités chinoises et hongkongaises ont délibérément trompé le monde sur le véritable objectif de la loi de sécurité nationale », selon M. Raab.

C’est un spectre très large de la mouvance prodémocratie qui a été visé mercredi avec d'ex-parlementaires comme James To, Andrew Wan, Lam Cheuk Ting ou Claudia Mo, ou des militants plus jeunes comme Gwyneth Ho, ancienne journaliste de 30 ans, ou Tiffany Yuen, conseillère de district de 27 ans.

Selon des proches de Joshua Wong, actuellement incarcéré et l’un des visages les plus connus de la mouvance prodémocratie, son domicile a été perquisitionné.

La police a aussi perquisitionné un cabinet d’avocats engagé pour défendre les droits de l’homme. L’avocat américain John Clancey, travaillant pour ce cabinet, a été arrêté, a-t-on appris de sources proches du dossier. C’est le premier Américain interpellé au nom de la nouvelle loi.

« Continuez à travailler pour la démocratie et les droits de l’homme à Hong Kong », a lancé aux journalistes l’avocat, résident permanent à Hong Kong, alors que la police l’emmenait.

Les policiers se sont aussi rendus dans les locaux de trois groupes de presse : Stand News, Apple Daily et Inmediahk.

Quelques membres du camp prodémocratie se sont rassemblés dans l’après-midi pour une conférence de presse, le poing levé et scandant « Libérez tous les prisonniers politiques ! ».

Nathan Law, un compagnon de route de Joshua Wong qui s’est exilé en juillet, a accusé les autorités de chercher à « éteindre la flamme de la résistance ».

« Nuit des longs couteaux »

« C’est une vraie nuit des longs couteaux, la plus vaste attaque menée à ce jour contre la démocratie à Hong Kong », s’est insurgé l’avocat Antony Dapiran, auteur d’un livre sur les mouvements sociaux à Hong Kong.

Le coup de filet était lié aux primaires de l’opposition, auxquelles 600 000 personnes ont participé en juillet, dans l’optique de capitaliser aux législatives de septembre, finalement reportées d’un an au motif du coronavirus, sur l’immense popularité de la mobilisation de 2019. L’opposition avait triomphé fi 2019 aux élections locales.

Ces primaires ont déclenché les foudres de la Chine qui les a présentées comme une « grave provocation », prévenant que la campagne pouvait relever de la « subversion » en vertu de la loi sur la sécurité nationale.

Avant les arrestations de mercredi, une trentaine de personnes avaient été arrêtées aux termes de cette loi entrée en vigueur fin juin et qui prévoit des peines allant jusqu’à l’emprisonnement à vie.

Les critiques la présentent comme le dernier clou dans le cercueil de la semi-autonomie hongkongaise, pourtant théoriquement garantie jusqu’en 2047 dans le cadre du principe « Un pays, deux systèmes ».