(Hong Kong) La nouvelle loi sur la sécurité imposée par Pékin à Hong Kong se révèle plus draconienne que prévu et pas uniquement pour les habitants de la ville, selon des juristes qui ont étudié ce texte au lendemain de son entrée en vigueur.

Cette loi, considérée comme une réponse aux manifestations monstres de 2019 contre l’influence de Pékin dans l’ex-colonie, a été adoptée moins de six semaines après son annonce.

Gardé secret jusqu’au bout, son contenu n’a été connu que mardi soir. Habitants, juristes, diplomates et sociétés se sont alors appliqués à le décortiquer pour comprendre ce qui relève désormais du crime.

Pékin a assuré que cette loi ne mettra pas fin aux libertés politiques dont jouissent les habitants de cette ville censée demeurer autonome jusqu’en 2047.  

Il est cependant clair que dans la nuit certaines opinions politiques sont devenues illégales et l’inquiétude s’est rapidement répandue à travers toute la planète.  

« Si vous avez déjà dit quelque chose qui pourrait offenser (la Chine) ou les autorités de Hong Kong, restez en dehors de Hong Kong », a conseillé Donald Clarke, un expert en droit chinois de l’Université George Washington.

Une des principales sources d’inquiétudes est, selon M. Clarke, l’article 38 de ce texte, qui stipule que les infractions à la sécurité nationale commises à l’étranger, même par des étrangers, peuvent faire l’objet de poursuites.

Pour lui, cela signifie que cela concerne toutes les personnes, quelle que soit la juridiction étrangère dont elles relèvent.

James To, un député hongkongais, a déclaré à la presse mercredi que la loi pourrait affecter des « gens du monde entier, des gens qui viennent pour affaires, en transit, visiter, n’importe qui ».  

Ce texte permet de réprimer quatre types de crimes contre la sécurité de l’État : subversion, séparatisme, terrorisme et collusion avec des forces extérieures.

« La loi est rédigée de manière vague, ce qui laisse place à l’interprétation, c’est le produit du système juridique de la Chine continentale », a déclaré à l’AFP Antony Dapiran, un avocat hongkongais auteur d’ouvrages sur le mouvement prodémocratie.

Ce que recouvre le crime de séparatisme signifie que même les appels pacifiques à une plus grande autonomie ou à l’indépendance de Hong Kong sont interdits.

Mercredi, la police a arrêté sept personnes en vertu de ce texte.  

Dans un communiqué, la police a indiqué que les appels à l’indépendance de Hong Kong, Tibet, de la région Xinjiang ou de Taïwan étaient désormais interdits.

Autre source d’inquiétude : les atteintes à la liberté de la presse.  

Depuis des décennies, de nombreux médias étrangers ont fait de Hong Kong un centre régional pour couvrir l’actualité en Asie. Cette pratique s’est poursuivie au-delà de la rétrocession de l’ex-colonie britannique à la Chine en 1997.

Ce nouveau texte prévoit que le « bureau de sécurité nationale » de la Chine, qui sera mis en place par Pékin dans le territoire semi-autonome, « prenne les mesures pour renforcer la gestion » des agences de presse internationales et des ONG, sans donner plus de précisions.

« La presse libre pourrait bien être morte à Hong Kong », a averti Claudia Mo, une ancienne journaliste désormais députée de l’opposition.

Elle dit que les opposants pourraient redouter de s’exprimer dans les médias et que les journalistes risquent de s’autocensurer.  

En Chine continentale, la presse est contrôlée par l’État et les journalistes étrangers sont souvent soumis à des pressions et parfois même expulsés en raison de leur couverture des évènements.

Au cours des dernières années, Hong Kong a cependant connu un recul de la liberté de la presse.

En 2018, un journaliste étranger a été expulsé pour avoir interviewé le chef d’un parti indépendantiste.

En début d’année, la Chine a expulsé un groupe de journalistes américains lors d’une altercation avec Washington. Elle a également déclaré que les reporters ne seraient pas autorisés à entrer à Hong Kong, bien que la ville soit censée gérer sa propre immigration.

L’ordre de Pékin stipulait que les journalistes expulsés ne seraient pas autorisés à travailler à Hong Kong, alors que ce territoire semi-autonome est censé prendre ses propres décisions en matière d’immigration.