De nombreux soldats indiens sont morts dans la nuit de lundi à mardi lors d’un affrontement avec des troupes chinoises survenu dans une zone frontalière revendiquée par les deux géants asiatiques.

L’armée indienne a d’abord annoncé que deux soldats et un officier avaient été tués dans le Ladakh, dans le nord du pays, avant de réviser son bilan à la hausse pour évoquer une vingtaine de victimes.

New Delhi a précisé que la plupart des soldats avaient « été grièvement blessés et exposés à des températures au-dessous de zéro » dans une zone située en haute altitude avant de succomber.

Des affrontements entre l’Inde et la Chine surviennent régulièrement le long de la frontière entre les deux pays, qui est contestée à plusieurs endroits.

Malgré leur fréquence, aucun décès n’avait été rapporté depuis 45 ans. Quatre soldats indiens avaient été tués en 1975 dans l’Arunachal Pradesh, dans l’est de l’Inde.

Le gouvernement indien a accusé mardi Pékin d’être responsable du nouvel affrontement en relevant que les troupes chinoises avaient tenté « de changer unilatéralement le statu quo » à la frontière dans le Ladakh, forçant une réplique.

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, Zhao Lijian, a accusé pour sa part les soldats indiens « d’avoir franchi la frontière à deux reprises » pour provoquer les soldats chinois, entraînant une « grave confrontation physique ».

Pékin a formellement appelé le gouvernement indien à recourir au « dialogue » pour ramener le calme dans la zone, sans préciser si certains de ses soldats avaient été tués.

Le Global Times, qui agit souvent comme porte-voix pour le régime communiste, a précisé que la Chine refusait de comparer le nombre de victimes de part et d’autre pour éviter « une escalade de sentiments belliqueux ».

INFOGRAPHIE LA PRESSE, D’APRÈS L’AGENCE FRANCE-PRESSE

En éditorial, le quotidien a parallèlement mis en garde l’Inde contre un possible affrontement militaire d’envergure en relevant que Pékin « ne craignait aucun conflit ».

Un autre article évoquait la tenue récente au Tibet d’un exercice militaire de l’armée chinoise ayant supposément démontré sa capacité à « remporter un conflit régional en haute altitude ».

Rapprochement de l’Inde avec les États-Unis

Serge Granger, spécialiste de l’Inde rattaché à l’Université de Sherbrooke, a indiqué mardi que le tracé de la frontière avec la Chine pose problème depuis des décennies.

La montée de tension actuelle, qui a peu de risques selon lui de mener à un affrontement militaire important, a commencé le mois dernier lorsque Pékin a semblé vouloir avancer ses troupes dans quelques zones contestées.

Le véritable enjeu, selon le spécialiste, n’est pas la frontière elle-même, mais plutôt les développements géostratégiques en cours dans la région.

Le régime du président chinois Xi Jinping s’inquiète du rapprochement de l’Inde avec les États-Unis et de ses efforts pour jouer un rôle régional accru.

La pression exercée en zone frontalière constitue, selon M. Granger, un « avertissement » au gouvernement du premier ministre Narendra Modi de ne pas aller trop loin.

Le Global Times a d’ailleurs évoqué la proximité croissante avec les États-Unis en éditorial, relevant que l’administration américaine avait « séduit » New Delhi, l’amenant à adopter une stratégie « mal avisée » par rapport à la Chine.

Serge Granger note que le premier ministre indien est un nationaliste qui pense pouvoir marquer des points politiques en adoptant une posture de fermeté face à la Chine.

Plus encore à l’heure actuelle, dit-il, alors que la perception qu’ont les Indiens du régime chinois s’est passablement détériorée, notamment en raison de l’impact au pays de la pandémie de COVID-19.

« Modi ne veut pas la guerre, mais il entend se montrer ferme. […] Il y a une rivalité sino-indienne qui se met en place », conclut M. Granger.