De nombreuses îles reculées du Pacifique ont été relativement épargnées par la COVID-19, mais la pandémie y a entraîné des répercussions énormes, perturbant la chaîne d’approvisionnement alimentaire et faisant grimper les prix au moment même où le tourisme est presque au point mort.

Face à la menace d’une crise alimentaire, plusieurs gouvernements ont lancé des initiatives communautaires pour contrer les pénuries, prolongeant les saisons de pêche, misant sur les pratiques autochtones et élargissant les programmes de distribution de semences pour rendre les citoyens plus autosuffisants.

« On a commencé avec 5000 semences et on pensait qu’on les épuiserait en neuf mois, mais il y a eu une très grande réponse et on a fini de les distribuer en une semaine », rapporte Vinesh Kumar, responsable des opérations au ministère de l’Agriculture des Fidji.

L’initiative consiste à fournir aux citoyens des semences de légumes, des jeunes arbres et du matériel horticole de base pour les aider à cultiver leurs propres potagers.

PHOTO FOURNIE PAR LE MINISTÈRE FIDJIEN DE L'AGRICULTURE VIA AP

Les élèves d'une école de Suva contribuent à l'entretien d'un jardin.

Isolés avec des terres arables limitées et une urbanisation accrue, de nombreux pays et territoires insulaires du Pacifique ont vu leur population passer du travail traditionnel des terres au tourisme dans les dernières décennies. La tendance a créé une dépendance accrue envers les importations telles que le bœuf en conserve, les nouilles et d’autres produits hautement transformés au lieu d’aliments cultivés localement comme les ignames et le taro.

Lorsque la pandémie a frappé, presque tous les pays de la région ont fermé leurs frontières. Les chaînes d’approvisionnement assurées par le transport maritime — y compris celles des engrais agricoles et des denrées alimentaires — ont été perturbées, déclenchant une flambée des prix.

À Suva, aux Fidji, le coût de certains fruits et légumes frais a bondi de 75 % dans les premières semaines de la crise.

En parallèle, l’industrie du tourisme, qui représente jusqu’à 70 % du produit intérieur brut de certains pays, s’est mise à l’arrêt, créant des milliers de chômeurs avec, de surcroît, un accès limité à de la nourriture.

« Il ne s’agit pas seulement de la disponibilité des prix sur le marché, mais aussi du pouvoir d’achat des consommateurs, qui a baissé », explique Eriko Hibi, directeur du bureau japonais de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.

Sur l’archipel des Tuvalu, le gouvernement a tenu des ateliers pour enseigner aux jeunes des méthodes autochtones de production alimentaire comme la plantation de taro et la collecte de sève des cocotiers.

Aux Fidji, le gouvernement a prolongé la saison de pêche de la truite de corail et du mérou. Les autorités ont aussi encouragé les citadins à retourner dans les zones rurales aux ressources moins précaires.

La transition alimentaire de ces nations pourrait s’inscrire dans la durée, selon Mervyn Piesse, directeur de la recherche à l’institut Future Directions International, établi en Australie. « Il y a, je crois, un mouvement dans certaines régions du Pacifique où les gens commencent à se dire : » “ Si on peut faire pousser notre nourriture nous-mêmes durant une pandémie, pourquoi pas en temps normal ? ” » »

Elisabeta Waqa raconte qu’elle songeait à s’aménager un jardin avant même la crise, mais elle est finalement passée à l’action après s’être retrouvée sans emploi, avec beaucoup de temps libre ainsi que des semences fournies par le ministère et par ses proches.

Elle a collecté des seaux, des caisses et d’autres contenants laissés en bordure de route et même jetés aux poubelles. Sa cour s’est rapidement transformée en un potager de haricots verts, de concombres et de choux, entre autres.

Bien qu’elle ait maintenant recommencé à travailler, Mme Waqa a décidé d’apprendre à ses enfants plus âgés comment prendre soin du jardin et récolter ses fruits. « Maintenant, j’économise de l’argent sur la nourriture, je sais d’où vient ma nourriture et je me sens sécurisée par rapport à mon accès à de la nourriture », énumère-t-elle.

« Je ne veux pas revenir à la façon dont les choses étaient avant. »