(Douchanbe) Quinze assaillants du groupe État islamique (EI) venus d’Afghanistan ont été tués mercredi par les forces tadjikes qu’ils attaquaient, ont annoncé mercredi les autorités du Tadjikistan, pays d’Asie centrale qui est régulièrement visé par des opérations djihadistes.

L’attaque est intervenue à 3 h 23 locales mercredi (17 h 23 HNE) contre une unité de gardes-frontières tadjiks près de l’Ouzbékistan voisin, à une cinquantaine de km au sud-ouest de la capitale Douchanbé. Outre les quinze hommes armés « neutralisés », un policier et un militaire sont morts, selon le ministère de l’Intérieur qui a fait état de quatre arrestations.  

« L’enquête et les interrogatoires des personnes arrêtées ont établi que le groupe terroriste armé […] avait utilisé, le 3 novembre 2019, la couverture de la nuit pour pénétrer illégalement au Tadjikistan depuis la République islamique d’Afghanistan », ont indiqué les gardes-frontières tadjiks dans un communiqué.  

« Tous (étaient) des membres du groupe État islamique », selon la même source.  

Entre le 3 et le 6 novembre, le groupe a couvert une distance d’environ 200 kilomètres pour mener son attaque.

Quatre véhicules appartenant aux assaillants ont par ailleurs été détruits, selon le ministère de l’Intérieur qui a publié des photos des voitures, de corps calcinés et ensanglantés sur une route en terre ainsi que d’armes automatiques et de chargeurs.

L’attaque intervient alors que le Tadjikistan marque mercredi sa Journée de la Constitution, un jour férié, et que le président Emomali Rakhmon est en Suisse dans le cadre d’une tournée européenne qui le conduira vendredi à Paris, chez Emmanuel Macron.  

Ce pays d’Asie centrale, issu de la chute de l’URSS en 1991, a été confronté depuis son indépendance à une multitude de mouvements armés islamistes ou djihadistes.

Cet État très pauvre, frontalier de l’Afghanistan et dont la population est majoritairement sunnite, a déjà connu une guerre civile entre le pouvoir procommuniste et des rebelles intégristes musulmans qui avait fait plus de 100 000 morts entre 1992 et 1997.

Et au cours des 18 derniers mois, le Tadjikistan a dû faire face à trois épisodes sanglants impliquant l’EI.  

Deux émeutes dans des prisons en mai 2019 et novembre 2018 ont fait respectivement 32 et 26 morts. Celles-ci avaient été déclenchées par des militants de l’organisation État islamique.

En juillet 2018, quatre touristes occidentaux faisant du vélo sur une célèbre route du pays avaient été tués dans une attaque dont les auteurs avaient prêté allégeance à l’EI.

Du fait notamment des conflits répétés en Afghanistan, des heurts armés ont lieu régulièrement à travers toute l’Asie centrale depuis des décennies.

Dès lors, la montée de l’islamisme radical est un sujet d’inquiétude majeur des cinq pays de la région : Tadjikistan, Kirghizstan, Kazakhstan, Turkménistan et Ouzbékistan.

Poussée islamiste

Au Tadjikistan, un terreau favorable a aussi été créé depuis l’indépendance du fait des sombres perspectives économiques, de la corruption endémique et d’un système politique verrouillé.  

Beaucoup ont choisi l’exil, la radicalisation, voire les deux dans certains cas.  Exemple célèbre dans le pays, en 2015, l’ex-chef des forces spéciales avait annoncé son ralliement à l’EI.

Selon les services de sécurité russes, entre 2000 et 4000 ressortissants d’Asie centrale ont rejoint les rangs des organisations djihadistes en Irak et en Syrie, qu’il s’agisse de l’EI ou de la branche syrienne d’Al Qaïda.

De leur côte, les autorités tadjikes ont indiqué que plus de 1000 de leurs ressortissants ont combattu dans des groupes armés en Irak et en Syrie à partir de 2011.  

Depuis 2015, le Tadjikistan a pris des mesures radicales et critiquées pour tenter de contrer les islamistes, parmi lesquelles le rasage forcé de la barbe ou encore une campagne contre le port du hijab pour les femmes.

Le pouvoir a également renforcé en 2015 sa répression contre l’opposition, interdisant le Parti de la renaissance islamique, seul parti islamique longtemps autorisé et considéré comme modéré. Plusieurs de ses cadres ont été condamnés à la prison à vie.

Le Tadjikistan est dirigé d’une main de fer par M. Rakhmon depuis 1992.