(Melbourne) La justice australienne se prononcera mercredi sur l’appel formé par le cardinal George Pell contre sa condamnation pour pédophilie, mais cet arrêt très attendu ne devrait pas encore clore l’affaire.

Le cardinal Pell, 78 ans, ancien numéro trois du Vatican, a été condamné en mars à six ans de prison après avoir été reconnu coupable de viol et agressions sexuelles sur deux enfants de chœur dans les années 1990.

Il a fait appel et trois juges de la Cour suprême de l’État de Victoria, dans le sud de l’Australie, délibèrent depuis juin.  

Ils peuvent ordonner un nouveau procès, décider d’acquitter George Pell ou rejeter son recours.  

Dans les deux derniers cas, leur arrêt aurait toutes les chances d’être frappé d’un pourvoi devant la Haute Cour d’Australie, plus haute juridiction d’appel australienne, qui ferait traîner cette affaire pendant de nombreux mois.

Plus haut représentant de l’Église catholique jamais condamné pour viol sur mineur, le prélat de 78 ans, qui clame son innocence, a été reconnu coupable en décembre de cinq chefs d’accusation, notamment d’avoir imposé une fellation en 1996 à un garçon de 13 ans et de s’être masturbé en se frottant contre l’autre.

Verdict «déraisonnable»?

Les faits avaient eu lieu dans la sacristie de la cathédrale Saint-Patrick de Melbourne, dont Mgr Pell était l’archevêque, où les deux victimes s’étaient cachées pour boire du vin de messe.

Deux mois plus tard, M. Pell, alors archevêque de Melbourne, avait poussé l’un des adolescents contre un mur et lui avait empoigné les parties génitales.

AP

La cathédrale Saint-Patrick de Melbourne.

Ses avocats ont soulevé 13 objections pour contester la condamnation, en soutenant notamment qu’il était «physiquement impossible» que les faits allégués aient été commis par le prélat alors que la cathédrale était bondée.

Ils ont émis des doutes sur l’ensemble du jugement, qu’il s’agisse de la chronologie des faits après la fin de la messe ou de la possibilité matérielle pour George Pell d’avoir commis les agressions dans l’encombrante tenue sacerdotale dont il était vêtu alors qu’il venait de célébrer l’office.

Surtout, ils estiment le verdict «déraisonnable», car basé exclusivement sur le témoignage d’une des victimes. L’autre est décédée en 2014 d’une overdose, sans jamais avoir affirmé avoir été victime d’une agression.  

La défense s’en est également pris à la crédibilité de la victime.

Que «justice triomphe»

Lundi, le père de la victime décédée a espéré que la «justice triomphe» pour que le calvaire s’achève. «Il veut que cela s’arrête pour reprendre sa vie et cesser d’y penser tous les jours», a déclaré son avocate Lisa Flynn.

Une issue rapide est cependant très peu probable.

Si les magistrats conviennent du fait que le verdict était «déraisonnable», le prélat pourrait être libéré. Mais un pourvoi des procureurs est probable.

S’ils jugent recevables certains moyens de procédure soulevés par la défense, les juges pourraient ordonner un nouveau procès.

Les magistrats pourraient aussi rejeter l’intégralité des arguments des avocats du cardinal, ce qui aurait pour conséquence de le renvoyer en prison terminer sa peine.

Dans ce cas, il aurait lui aussi la possibilité d’un pourvoi devant la plus haute juridiction australienne.

Avant sa disgrâce cette année, M. Pell avait connu une ascension rapide. Nommé archevêque de Sydney en 2001, il était entré en 2003 dans le puissant Collège des cardinaux et siégeait aux conclaves qui ont élu successivement les papes Benoît XVI et François.

Tout juste élu, le pontife argentin l’avait choisi en 2013 pour faire partie du conseil de neuf cardinaux (C9) chargé de l’aider à réformer la Curie, le gouvernement du Vatican.

En 2014, il était ensuite devenu secrétaire à l’Économie, véritable numéro trois du Vatican.

Depuis sa condamnation, le cardinal Pell a été relevé de sa fonction de responsable financier du Vatican et a perdu sa place dans le C9. Le Vatican a ouvert sa propre enquête sur Mgr Pell qui pourrait au final être défroqué.