Kong Tsung-gan n’était pas favorable initialement à ce que des jeunes protestataires prennent d’assaut lundi le siège du gouvernement local de Hong Kong, un évènement sans précédent dans l’histoire de l’ex-colonie britannique.

« La journée a été confuse et riche en émotions. J’étais opposé à ce que les jeunes pénètrent de force dans le Conseil législatif, mais je dois reconnaître que j’ai ressenti une véritable exaltation lorsqu’ils ont réussi », a indiqué à La Presse cet écrivain et militant des droits de la personne dans un échange par écrit.

« Tout au long de l’histoire de Hong Kong, les institutions politiques ont été spécifiquement conçues pour exclure la majorité, et voilà que la population déambulait dans les hauts lieux du pouvoir. L’image était incroyablement symbolique. On croyait voir un moment révolutionnaire », a souligné l’homme de 53 ans.

Les autorités s’indignent

L’enthousiasme de M. Kong est aux antipodes de l’attitude du gouvernement de l’ex-colonie et des autorités chinoises, qui ont multiplié les interventions depuis lundi pour faire connaître leur indignation par rapport au mouvement, déclenché à l’origine par un projet de loi sur l’extradition controversé.

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Carrie Lam, cheffe de l’exécutif de Hong Kong

La cheffe de l’exécutif, Carrie Lam, a déclaré que les protestataires avaient fait preuve d’une « violence extrême ». Elle a prévenu qu’il était essentiel de défendre l’État de droit face à de telles actions.

Le gouvernement chinois a souligné de son côté que l’occupation du Conseil législatif était « absolument intolérable » et a demandé une enquête en bonne et due forme pour identifier et punir les responsables.

Attitude « agressive »

M. Kong rechigne à utiliser l’étiquette de violence, préférant parler d’une attitude « agressive » pour qualifier l’action des manifestants qui sont entrés dans le bâtiment gouvernemental.

« Ils n’ont pas attaqué de gens, ils ont endommagé des biens. Il faut savoir que la veille, des militants communistes avaient manifesté en appui à la police et menacé des journalistes et des personnes soupçonnés d’être opposés au projet de loi sur l’extradition tout en menaçant de violer des femmes », relate-t-il.

« Les jeunes manifestants n’ont jamais fait et ne feraient jamais une telle chose », souligne le militant. 

Nous sommes confrontés à l’une des dictatures les plus brutales et violentes de la planète qui s’est déjà montrée tout à fait disposée à massacrer son propre peuple par le passé.

Kong Tsung-gan, écrivain et militant des droits de la personne

Kong Tsung-gan ajoute que des centaines de milliers de personnes ont encore une fois manifesté dans le calme lundi pendant qu’un groupe restreint de protestataires se lançaient à l’assaut du Conseil législatif.

Les occupants ont quitté les lieux vers minuit sous la pression des forces policières après avoir vandalisé les portraits d’ex-dirigeants de Hong Kong et brandi le drapeau de l’ère coloniale britannique.

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Les protestataires ont vandalisé des portraits d’ex-dirigeants de Hong Kong.

Une crise suivie de près

Chit Wai John Mok, étudiant de Hong Kong qui fait un doctorat sur les mouvements sociaux dans la région, pense que l’occupation du Conseil législatif a sans doute irrité profondément le président chinois Xi Jinping et son entourage.

Il ne croit pas pour autant que le régime va encourager Carrie Lam et la police locale à se lancer dans une répression violente du mouvement de contestation.

« Ils savent que ce serait très coûteux pour eux de choisir cette approche », relève le chercheur, qui séjourne actuellement à Hong Kong.

Les liens historiques et économiques qu’entretient l’ex-colonie avec le monde occidental font en sorte que les développements sur place sont suivis de près et sont plus susceptibles de générer une forte réponse internationale, prévient Chit Wai John Mok.

Craintes des citoyens

Kong Tsung-gan pense que la répression passera d’abord par les arrestations et le système judiciaire, comme ce fut le cas dans la foulée du mouvement des parapluies, en 2014.

Les réseaux sociaux sont aussi mis à profit, dit-il, pour dévoiler l’identité des protestataires influents, souvent en leur imputant des actions sans lien avec la réalité pour ternir leur image. 

Ces actions ont un effet intimidant important et alimentent la vive tension qui existe actuellement dans la ville.

Kong Tsung-gan

La manifestation de lundi marque l’aboutissement de semaines de contestations déclenchées par le projet de loi sur l’extradition, qui faciliterait le transfert de suspects de Hong Kong vers la Chine continentale.

Nombre de résidants de l’ex-colonie craignent qu’elle soit utilisée par Pékin pour faire taire ses critiques. Carrie Lam a annoncé il y a quelques semaines qu’elle « suspendait » le processus d’adoption, mais les manifestants demandent son retrait pur et simple.

Ils demandent aussi qu’une commission soit créée pour faire la lumière sur les responsables de la répression musclée d’une manifestation survenue à la mi-juin à ce sujet. Plus de 70 personnes avaient alors été blessées.

Au fil des semaines, les motifs de contestation se sont élargis au-delà du projet de loi sur l’extradition pour englober le gouvernement local lui-même, vu par ses détracteurs comme un simple pion de Pékin.

La cible ultime des protestataires est le Parti communiste chinois, prévient Kong Tsung-gan.

« Ne vous trompez pas : c’est une bataille entre la jeunesse [de Hong Kong] et le Parti », conclut-il.