Le gouvernement srilankais doute que les attentats meurtriers survenus dans le pays le jour de Pâques aient pu être organisés sans l'aide d'un « réseau international ». L'enquête à ce sujet se poursuit sur fond de querelle politique alors que le premier ministre accuse le président d'avoir tu les mises en garde des services de renseignements.

Pourquoi les autorités envisagent-elles une piste internationale ?

Le porte-parole du gouvernement srilankais, Rajitha Senaratne, a indiqué hier en conférence de presse que les autorités ne croyaient pas qu'un groupe local mis en cause dans les attentats, le National Thoweeth Jama'ath (NTJ), avait la capacité d'organiser seul les attaques de dimanche. Le constat est partagé par le président Maithripala Sirisena, qui a demandé l'aide d'autres pays pour déterminer quels liens avaient les attaquants avec des acteurs étrangers. L'organisation internationale de police criminelle Interpol a fait savoir hier qu'elle entendait accroître son soutien aux enquêteurs srilankais, qui bénéficient également de l'aide du FBI. Plus d'une vingtaine de personnes ont été arrêtées en deux jours en lien avec les attaques, qui ont fait 290 morts et 500 blessés.

Des liens internationaux sont-ils probables ?

Depuis dimanche, nombre de spécialistes en terrorisme ont remis en question la capacité du NTJ de frapper à si grande échelle sans aide extérieure. Jason Burke, auteur et journaliste ayant longuement étudié les mouvements djihadistes, relève que l'organisation d'attentats simultanés avec plusieurs kamikazes demande une infrastructure importante. Il faut notamment, dit-il, une quantité considérable d'explosifs, un endroit pour assembler les vestes explosives, des ressources pour « encadrer » les futurs kamikazes jusqu'au moment-clé, des caches, des moyens de transport, de l'argent, etc. La décision des terroristes de cibler des chrétiens, dans un pays à majorité bouddhiste, ainsi que le jour choisi pour attaquer suggèrent aussi une piste internationale puisqu'ils semblent assurer de donner un retentissement planétaire maximal au drame, relève l'analyste.

La piste du NTJ est-elle crédible ?

Le porte-parole du gouvernement, Rajitha Senaratne, a indiqué hier que les services de renseignements srilankais avaient été informés il y a dix jours par un pays étranger, possiblement l'Inde, que le NTJ planifiait des attaques. Il n'était pas clair hier si les autorités srilankaises ont accusé le groupe djihadiste sur la base d'informations trouvées après les attentats ou en se référant à la mise en garde reçue précédemment. Le NTJ, souligne Jason Burke, est un groupe avec une envergure limitée qui s'était surtout illustré par le passé en vandalisant des statues bouddhistes. Il s'agit par ailleurs d'un groupe exprimant ouvertement ses points de vue extrémistes, ce qui semble contrevenir au modus operandi d'organisations désirant commettre des attentats d'envergure. L'auteur relève qu'il est possible qu'un réseau local de djihadistes se soit développé à l'insu des autorités et ait tissé des liens avec des organisations terroristes comme Al-Qaïda ou le groupe armé État islamique ou qu'il se soit carrément implanté avec leur aide. Le New York Times a indiqué hier que la police srilankaise avait trouvé en janvier dans une ferme du nord-ouest du pays une cache contenant plus de 100 kilos d'explosifs. La découverte découlait apparemment de l'enquête sur le vandalisme imputé au NTJ.

Les autorités ont-elles agi sur la base de la mise en garde reçue ?

En conférence de presse, le porte-parole du gouvernement a indiqué hier que les forces policières n'avaient pas donné suite aux mises en garde reçues de l'étranger et il a présenté des excuses à la population à ce sujet. Rajitha Senaratne a insisté du même coup sur le fait que le premier ministre Ranil Wickremesinghe et les autres membres du cabinet n'avaient pas eu accès à ces informations, contrairement au président Maithripala Sirisena, qui siège au Conseil de sécurité nationale. Les deux politiciens sont à couteaux tirés depuis que le chef d'État a tenté, à l'automne, de démettre le premier ministre pour le remplacer par un ex-président du pays. Le chef de cabinet du président, Hemasiri Fernando, a indiqué hier que les renseignements contenus dans la mise en garde n'évoquaient pas des attaques d'une telle envergure. Il a confirmé que les autorités policières n'avaient pas adopté de mesures préventives après avoir été dûment averties des informations reçues. Le président a annoncé qu'une commission chapeautée par un ex-juge de la Cour suprême serait chargée de faire la lumière sur les évènements, et les possibles ratés, ayant mené aux attaques meurtrières.

PHOTO ISHARA S. KODIKARA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le premier ministre du Sri Lanka, Ranil Wickremesinghe, a donné une conférence de presse, dimanche, à la suite des attentats.