(Tokyo) L’empereur Hirohito, qui a régné pendant la Seconde guerre mondiale, voulait exprimer ses remords pour le conflit mais le chef du gouvernement japonais d’alors l’en a empêché, selon des documents révélés par la chaîne publique NHK.

Dans le journal intime (18 carnets) de Michiji Tajima, plus haut responsable de l’Agence de la Maison impériale de 1949 à 1953, est mentionné clairement le souhait de Hirohito « d’exprimer envers les citoyens de profonds regrets et un sentiment de remords ».

La NHK, qui a obtenu ces documents portant sur cinq années et demie auprès de la famille de feu M. Tajima, les a confiés pour analyses à plusieurs historiens et autres experts.

Le souverain, décédé en 1989 après plus de six décennies sur le trône du Chrysanthème, voulait inclure ces mots dans son discours pour la cérémonie célébrant la fin de l’occupation américaine et le retour de souveraineté de l’archipel en 1952.  

« Je pense que je dois faire figurer l’expression de remords » dans mon allocution, a dit au fonctionnaire le souverain, selon les éléments rapportés par la NHK. « Je ressens un grand remords. Je veux vraiment ajouter ce passage-réflexion sur le passé et discipline à l’avenir-même si les mots peuvent être changés », a également dit l’empereur selon les médias japonais.

Toutefois, poursuit la NHK, « le premier ministre de l’époque, Shigeru Yoshida, s’y est opposé et le passage où devait figurer cette volonté a été coupé ».

Le chef du gouvernement d’alors craignait, selon les notes de M. Tajima, « que les gens disent qu’il était responsable du déclenchement de la guerre » du Pacifique, une question qui continue de diviser les historiens.

Les experts ayant eu accès à ces notes très précises selon la NHK se sont dit « très surpris » de découvrir à quel point l’empereur Showa a eu « une volonté forte d’exprimer des remords et des regrets ».

Il a à maintes reprises fait part à M. Tajima de son mécontentement de ne pouvoir dire le fond de sa pensée, mais il a dû respecter la Constitution qui donne le dernier mot au premier ministre, explique encore la NHK dans un documentaire retranscrit en partie sur son site internet.

Par ailleurs, Hirohito a semblé s’en vouloir de ne pas avoir su stopper l’avancée de l’armée nippone à travers l’Asie.

Finalement, c’est le fils de Hirohito, l’empereur Akihito (qui a régné de janvier 1989 à avril 2019), qui, le premier, en 2015, a réussi à glisser dans un discours le 15 août, jour du 70e anniversaire de la capitulation du Japon, l’expression des « profonds remords » pour les exactions commises par l’armée japonaise.

Il a réitéré ces mêmes mots tous les ans jusqu’à 2018, avant d’abdiquer en avril dernier en vertu d’une loi d’exception.

Son fils Naruhito, devenu empereur le 1er mai, a repris la même expression lors de son allocution le 15 août dernier, confirmant sa volonté déjà exprimée de continuer à reconnaître les ravages du passé impérialiste du pays.