(Manille) Le président philippin Rodrigo Duterte a menacé ses détracteurs de les envoyer en prison s’ils tentent de le mettre en accusation à cause de sa réaction pro-Pékin après un accident maritime en mer de Chine méridionale.

Le président Duterte bénéficie généralement d’un fort soutien populaire. Mais sa position sur la mer de Chine méridionale, dont la quasi-totalité est revendiquée par Pékin mais que se disputent aussi plusieurs pays riverains dont Manille, lui vaut les foudres de certains qui l’accusent de faiblesse.  

Depuis l’arrivée au pouvoir de M. Duterte en 2016, Manille a mis en sourdine ses critiques face aux ambitions chinoises dans cette région riche en ressources.

La question est revenue sur le tapis depuis qu’un chalutier chinois est entré en collision le 9 juin avec un bateau philippin, provoquant son naufrage. L’accident s’est produit près de Reed Bank, dans une zone située en territoire philippin mais revendiquée par Pékin.

Après une série de petites manifestations, les critiques de l’opposition et d’anciens responsables gouvernementaux, M. Duterte est monté au créneau pour menacer ceux qui voudraient lancer contre lui une procédure de mise en accusation à l’américaine (impeachment) devant la Chambre des représentants.

« Me mettre en accusation ? Je vais tous les arrêter. Je vous mets au défi de le faire », a-t-il lancé jeudi soir devant des journalistes. « Je dis à ces imbéciles, je dis que moi je traite avec la réalité ».

La question de sa mise en accusation avait été évoquée lorsque le président avait déclaré après le naufrage qu’il avait autorisé les pêcheurs chinois à se rendre dans les eaux philippines parce qu’« on est amis ».  

L’opposition l’accuse d’avoir violé un article de la Constitution qui oblige le gouvernement à protéger les richesses maritimes du pays, y compris sa zone économique exclusive.

Malgré les sévères critiques dont il fait l’objet à l’étranger pour sa campagne antidrogue meurtrière, M. Duterte bénéficie à domicile d’une cote de popularité enviable.

Ses alliés contrôlent la majorité des sièges au Congrès, qui aurait la haute main sur une procédure de destitution.  

Néanmoins, une partie de l’opinion se demande si la politique de rapprochement avec la Chine opérée par Manille a produit les investissements espérés et si elle ne porte pas atteinte à la souveraineté nationale.

La mer de Chine méridionale, secteur clé pour le commerce maritime international, est depuis des décennies une zone potentielle de conflits militaires. Elle recèlerait de vastes réserves de gaz et de pétrole.

En 2016, la Cour permanente d’arbitrage de la Haye, saisie par le prédécesseur de M. Duterte, Benigno Aquino, avait jugé illégales les revendications de Pékin sur la plus grande partie de la région.