(Colombo) À l’aéroport international de Colombo, des voyageurs nerveux et épuisés patientent dans la file d’attente, pendant que des soldats lourdement armés veillent sur l’entrée principale et les différents accès.

L’objectif des touristes : quitter au plus vite le Sri Lanka, où des attentats ont fait plus de 290 morts le dimanche de Pâques.

Ces attentats à la bombe qui ont visé quatre hôtels et trois églises en pleine messe de Pâques jettent une ombre terrible sur le tourisme en plein décollage dans ce pays d’Asie de 21 millions d’habitants, vanté dans nombre de guides touristiques et même récemment promu destination de l’année 2019 par l’un d’eux.

Parmi les morts figurent une trentaine d’étrangers.  

Martin Ewest, un instituteur allemand de 44 ans, était arrivé sur l’île il y a quelques jours pour des vacances sous le signe du repos avec son épouse et leur fille de 12 ans. Depuis les attentats, «nous voulons partir dès que possible», dit-il.

«Mais notre ambassade ne peut pas nous aider parce qu’ils sont en congés, notre compagnie aérienne dit qu’elle ne peut rien faire et notre hôtel ne nous a proposé aucune assistance», déplore-t-il.  

«C’est une situation difficile. Nous sommes des cibles faciles, jusqu’à ce que nous puissions partir la semaine prochaine.»

AFP

Martin Ewest et sa famille lundi au Sri Lanka.

De violentes explosions ont visé trois hôtels à Colombo dans la capitale sri-lankaise, le Cinnamon Grand, le Shangri-La et le Kingsbury, qui ont tous fermé jusqu’à nouvel ordre.

Le Pakistanais Kashif Ali, 33 ans, a eu de la chance : il voulait séjourner au Cinnamon Grand avec sa famille mais il n’y avait plus de chambre disponible, explique-t-il.

«Nous comptions voyager à travers le pays mais maintenant nous avons peur», confie-t-il, en soulignant que ces attentats avaient réveillé chez lui le sombre souvenir d’événements similaires survenus au Pakistan.

«Nous sommes venus ici pour échapper à tout ça. Nous voulions nous reposer, sans rester toute la journée à l’hôtel. Maintenant nous attendons juste de partir, ce sont des vacances gâchées», déplore sa belle-sœur, Sobia Samreen.

L’anxiété était palpable dans les hôtels du front de mer à Colombo, où s’alignent des établissements 5 étoiles. La sécurité y était renforcée, avec des gardes armés censés empêcher toute intrusion extérieure à la clientèle.

Annulations en série

Les États-Unis ont modifié leurs conseils aux voyageurs, mettant en garde ceux qui se rendent au Sri Lanka contre de possibles nouveaux attentats, tandis que d’autres pays comme l’Australie ou l’Irlande ont invité leurs ressortissants à la prudence lors de leurs déplacements sur l’île de l’océan Indien.

Morris Bernard, agent de travail sri-lankais, a indiqué qu’«un quart des clients (de sa société) ont annulé ou reporté leur voyage, en expliquant avoir peur».

«Le seul groupe que nous attendions plus tard ce mois-ci a annulé-13 personnes d’Inde qui ont expliqué ne pas se sentir en sécurité avec leur famille» au Sri Lanka, a confié un autre agent de voyage, Saman Palitha.

À l’hôtel Galle Face, une source au sein de l’établissement a dit espérer que ces attentats n’auraient «pas d’effet sur le long terme», même si «le tourisme souffre évidemment dans une situation pareille».

À court terme en tout cas, l’effet peut s’avérer dévastateur dans un pays où le tourisme est une précieuse source de devises.

L’économie du pays a été dévastée par une guerre civile de plusieurs décennies impliquant les rebelles tamouls, mais depuis la fin de la guerre en 2009 le tourisme avait connu un renouveau progressif. Depuis 2016, le Sri Lanka accueille plus de deux millions de visiteurs par an, contre 448 000 en 2009.

En octobre, le guide Lonely Planet avait qualifié le Sri Lanka de destination de l’année 2019, louant ses temples séculaires, «sa faune riche et accessible, sa scène de surf en plein essor» et ses habitants accueillants.

Beaucoup de visiteurs, même ceux ayant des liens très forts avec le Sri Lanka, pourraient mettre du temps à reprendre confiance dans cette destination touristique.

«Je séjourne normalement dans les hôtels qui ont été visés, donc j’ai eu beaucoup de chance… C’est la première fois que j’ai eu peur» ici, indique l’Australienne Manique Corteling. «Mais le Sri Lanka rebondira. Ils ont déjà traversé des moments terribles».