Des responsables des deux Corées se sont entretenus dimanche dans la petite ville frontalière de Panmunjom à l'occasion des premiers pourparlers bilatéraux depuis des années et après plusieurs mois de tensions militaires alimentées par les ambitions nucléaires de Pyongyang.

Ces discussions, organisées à l'endroit précis où fut signé l'armistice mettant fin à la Guerre de Corée (1950-1953), ont duré deux heures. Les chefs de délégation se sont toutefois retrouvés dans l'après-midi pour de nouvelles consultations.

«L'atmosphère générale a été (...) calme et la discussion s'est menée sans anicroche», a déclaré en fin de matinée le porte-parole du ministère sud-coréen de l'Unification, Kim Hyung-Seok.

Les délégués ont évoqué l'ordre du jour, le lieu et le calendrier d'une première rencontre au niveau ministériel, la première depuis 2007, qui pourrait se tenir dès mercredi à Séoul.

L'ordre du jour devrait essentiellement porter sur la restauration des liens commerciaux bilatéraux suspendus, y compris la réouverture du site industriel intercoréen de Kaesong, à 10 km de la frontière, côté nord, fermé par Pyongyang en avril, alors que les tensions sur la péninsule étaient au plus haut depuis quelques semaines.

La rencontre de Panmunjon est survenue quelques heures après la conclusion du sommet entre le président américain Barack Obama et son homologue chinois Xi Jinping en Californie.

Les deux dirigeants ont constaté leur convergence dans le dossier nord-coréen, affirmant être «pleinement en accord sur les objectifs» de «dénucléarisation» de la péninsule coréenne, selon le conseiller de sécurité nationale américain, Tom Donilon.

La Chine est le seul allié de poids de Pyongyang, mais s'est montrée irritée de l'agressivité dont a fait preuve ces derniers mois le jeune dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un. Pékin, qui concrètement maintient sous perfusion l'économie nord-coréenne, avait même voté à l'ONU les dernières sanctions contre le régime communiste.

L'apparent fléchissement nord-coréen a été favorablement accueilli au sud, mais certains spécialistes enjoignent à la prudence.

«L'offre nord-coréenne est caractéristique de la diplomatie de Pyongyang» qui invite la Corée du Sud à «résoudre et à payer pour les problèmes que le Nord a provoqués», souligne ainsi Stephan Haggard du Peterson Institute for International Economics.

Pour Yang Moo-Jin, professeur à l'université des études nord-coréennes à Séoul, les discussions du jour, «uniquement préparatoires», n'augurent guère du ton des débats à venir: «Nous aurons mercredi un meilleur état des lieux» des intentions nord-coréennes, a-t-il dit à l'AFP.

Le principe de la tenue de cette réunion préparatoire a vu le jour jeudi après un retournement inattendu de la position de la Corée du Nord qui a subitement mis en sourdine ses menaces belligérantes et proposé d'ouvrir un dialogue avec la Corée du Sud.

Les observateurs font valoir que cette offre a été opportunément rendue publique à la veille du sommet Obama-Xi, alors que Pyongyang avait déjà rejeté plusieurs appels de la Corée du Sud à négocier.

La Corée du Sud avait répondu promptement en proposant une rencontre interministérielle avec le Nord à Séoul et la Corée du Nord avait fait vendredi une contre-proposition au Sud sur l'ouverture de négociations sur une série de sujets, suggérant qu'une rencontre ait lieu sur son territoire, avant la réunion en Corée du Sud avancée par Séoul.

Les deux pays étaient finalement convenus d'organiser cette première rencontre à Panmunjom. Et vendredi, la Corée du Nord avait rétabli la ligne téléphonique d'urgence avec le Sud, coupée par Pyongyang en mars.

Le complexe de Kaesong, où travaillaient plus de 50 000 employés nord-coréens et des centaines de cadres sud-coréens, et crucial pour l'obtention de devises étrangères pour le régime communiste, a une forte valeur symbolique.

Le site est né dans le sillage de «la diplomatie du rayon de soleil», menée par la Corée du Sud de 1998 à 2008 afin d'encourager les contacts avec le Nord, qui restent techniquement en guerre puisque la Guerre de Corée s'est terminée par un armistice et non par un traité de paix.

Les tensions entre Occidentaux et Pyongyang s'étaient grandement ravivées après un troisième essai nucléaire nord-coréen en février, suivi de menaces d'attaque des États-Unis qui avaient fait voler des bombardiers à capacité nucléaire au-dessus de la Corée du Sud.

Le climat s'était radouci ces dernières semaines, les deux Corées semblant vouloir reprendre langue.