Islamabad a interpellé deux dirigeants du groupe islamiste cachemiri pakistanais Lashkar-e-Taiba, a confirmé mercredi le premier ministre du Pakistan, sous pression de l'Inde et des États-Unis, convaincus que ce mouvement a perpétré les attentats de Bombay.

«Les deux suspects ont été arrêtés et une enquête est en cours», a déclaré le premier ministre, Yousuf Raza Gilani, à des journalistes qui l'interrogeaient à Multan (centre du Pakistan) sur les interpellations déjà annoncées cette semaine des membres du Lashkar-e-Taiba (LeT, «l'armée des pieux»), Zaki-ur-Rehman Lakhvi et Zarar Shah.

Ces deux hommes, hauts responsables du LeT, étaient désignés depuis plusieurs jours par New Delhi et la presse indienne comme les principaux maîtres d'oeuvre du carnage commis à Bombay du 26 au 29 novembre (163 morts et neuf assaillants tués).

Depuis samedi, face à une forte pression de l'Inde et surtout de Washington, les autorités pakistanaises avaient interpellé 16 personnes proches ou directement liées au LeT.

Le nom de Zaki-ur-Rehman Lakhvi aurait été livré, d'après l'Inde, par le seul survivant du commando des 10 assaillants, Mohammed Ajmal Amir Iman, capturé par les forces de sécurité indiennes au début des attaques.

M. Lakhvi aurait sélectionné et entraîné le commando islamiste parti de Karachi (sud du Pakistan) pour se rendre à Bombay, affirment mercredi des journaux indiens.

M. Lakhvi avait été capturé samedi près de Multan.

Quatorze autres personnes avaient été appréhendées dimanche et lundi dans la partie pakistanaise du Cachemire au cours d'un raid contre un camp pour personnes défavorisées d'une association caritative musulmane, Jamaat-ud-Dawa, considérée comme la branche politique du LeT.

Enfin, un seizième homme avait été arrêté dimanche à Rawalpindi, près d'Islamabad.

Mais le Pakistan avait assuré mardi qu'il ne livrerait à l'Inde aucun suspect des attaques de Bombay et qu'il les jugerait lui-même, si nécessaire. Il s'était aussi dit prêt à une nouvelle guerre si New Delhi décidait d'une action militaire, même ciblée.

D'ailleurs, le Premier ministre Gilani a nié agir «sous pression» de son voisin indien. «Quelle que soit l'action entreprise, cela se fera dans l'intérêt du pays et de sa population», a-t-il assuré. «Si les services de renseignement indiens nous envoient leurs conclusions, nous enquêterons en conséquence», a-t-il martelé.

L'Inde avait remis une liste de 20 suspects au Pakistan, son frère ennemi en Asie du Sud, en exigeant qu'il les lui livre et, dans le cas contraire, en le menaçant à mots couverts de représailles.

Les deux puissances nucléaires se sont déjà livré trois guerres depuis leur création les 14 et 15 août 1947 et ont été au bord d'un quatrième conflit début 2002 après une attaque imputée au LeT le 13 décembre 2001 contre le Parlement indien.

Le LeT a alors été interdit au Pakistan en 2002. L'ambassadeur du Pakistan aux Nations unies, Hussain Haroon, a ainsi assuré mardi, lors d'un débat sur le terrorisme au Conseil de sécurité de l'ONU à New York, qu'aucun camp d'entraînement du LeT ne serait autorisé sur le sol pakistanais. Quant à la fondation caritative Jamaat-ud-Dawa, Islamabad serait prêt à l'interdire et à geler ses avoirs si le Conseil de sécurité la considérait comme un groupe «terroriste», a-t-il dit.

Au même moment, la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice - dont le pays est un vieil allié du Pakistan mais s'est beaucoup rapproché de l'Inde depuis 2005 - se félicitait de l'action entreprise par Islamabad.

Mardi, la police indienne a aussi rendu publics les noms des dix auteurs des attaques, réaffirmant que ces hommes âgés de 20 à 28 ans venaient tous du Pakistan. Neuf photos-portraits ont été diffusées. Mais celle du dixième assaillant, prise après sa mort, montrait un visage si tuméfié qu'elle n'a pas été publiée.