Jeunes ou moins jeunes, riches ou pauvres, tous ont de près ou de loin été touchés par les trois jours de violences sanglantes à Bombay. Et alors que la vie reprend doucement son cours, les psychiatres craignent que les blessures mentales ne soient longues à guérir.

Yusuf Abdulla Matcheswalla compare le traumatisme des habitants de Bombay qui ont vu leurs concitoyens tomber sous le feu d'armes automatiques ou dans l'explosion de grenades à celui de soldats de retour du front.

«J'ai aidé après le tsunami (en Asie en 2004), après des tremblements de terre et des explosions de bombes», raconte le médecin, qui tient un centre de soutien psychologique dans trois hôpitaux de la ville. «Mais là, c'était comme une situation de guerre».

«Beaucoup de ceux qui étaient là et qui ont été sauvés sont sujets à des paniques» subites, poursuit-il. «Au moindre son, ils sont bouleversés et prennent peur. Ils ne dorment pas, ne mangent pas, ont des nausées et vomissent».

Les jeunes enfants sont parmi les plus affectés, souligne son collègue Ali Akbar Gabhrani. De nombreux jeunes n'avaient jusqu'ici qu'une expérience «virtuelle» de la violence, explique cet autre médecin. Ils ne l'avaient vu qu'à travers le prisme de leurs consoles de jeux video.

Là, «ils ont vu et entendu ce terrorisme à la télévision et maintenant ils comprennent que ça peut arriver dans la vraie vie», poursuit-il.

Depuis la semaine dernière, la télévision indienne passe en boucle des images des attaques. Les femmes au foyer aussi, qui ont parfois passé des journées entières avec pour seule compagnie les journaux télévisés, sont traumatisées.

«Elles ont la télévision allumée toute la journée et s'inquiètent pour leurs maris, leurs fils, leurs filles mais n'ont rien pour évacuer leur anxiété», explique Ali Akbar Gabhrani. «Elles se sentent impuissantes».

Au total 188 personnes ont trouvé la mort dans les tueries de Bombay, entre mercredi soir et samedi dernier, selon le plus récent bilan officiel. Au moins 313 autres ont été blessées.

Ces blessés sont encore souvent à l'hôpital sous calmants après de lourdes opérations. Mais les traumatismes psychiques risquent aussi de se développer à mesure qu'ils récupèreront, estime le docteur Yusuf Abdulla Matcheswalla.

Selon Mangala Megharaj, thérapeute qui utilise le yoga pour traiter ses patients au Sir Jamsetjee Jejeebhoy (J.J.) Hospital, certains revivent déjà le drame.

«La nuit, ils rêvent de gens qui leur tirent dessus, de choses comme ça. Et ils crient juste "à l'aide, à l'aide"», a-t-elle confié à AFP TV.

Psychiatres et psychologues craignent aussi des troubles post-traumatiques liés au stress chez ceux qui ne viendraient pas chercher de l'aide. Certains sont effrayés à l'idée de sortir de chez eux, d'autres souffrent de crises de panique ou de dépression, expliquent-ils.

«Ils ont besoin d'une aide professionnelle», souligne Yusuf Abdulla Matcheswalla.

Les médecins estiment avoir assez de ressources pour faire face. Un centre psychologique d'appoint devrait notamment être installé dans la grande gare de Chhatrapati Shivaji, l'une des premières cibles des assaillants.

Mais l'importance de parler de leurs sensations négatives, de ne pas les laisser prendre le dessus, doit être comprise par la population.

«Il faut accepter ce qui s'est passé. Maintenant c'est fini et la peur est partie. Les gens doivent comprendre qu'ils ne sont pas les seuls à ressentir cela», souligne le docteur Ali Akbar Gabhrani.