(Bogotá) Dix militaires soupçonnés d’avoir menacé des villageois avec leurs armes dans une zone rurale du nord de la Colombie, un incident qualifié « d’extrêmement grave » par le gouvernement, ont été suspendus, a-t-on appris jeudi de source officielle.

« Dès le moment où il a eu connaissance des faits, le commandement de l’armée a […] immédiatement pris les mesures qui s’imposent » en lançant notamment une enquête, a indiqué dans un communiqué le chef de l’Armée de terre, le général Luis Mauricio Ospina.

« J’ai pris la décision de leur retirer la confiance et la responsabilité de porter les armes […] », a-t-il ajouté.

Les sous-officiers et officiers impliqués ne pourront en outre exercer « aucun type de direction opérationnelle ou de mission de renseignement militaire », selon la même source.

Selon des images diffusées en début de semaine sur les réseaux sociaux puis relayées par la presse nationale, des militaires au visage masqué et ne portant aucun badge d’identification ont menacé avec leurs armes des paysans, dont des femmes et des enfants apeurés, dans la localité rurale de Tierralta, dans le département de Cordoba, une zone de narcotrafic où sont actifs plusieurs groupes armés.

Le gouvernement a qualifié l’incident d’« extrêmement grave », tandis que le président de gauche Gustavo Petro l’a vivement condamné, y voyant un possible « retour au paramilitarisme », en référence à ces escadrons d’extrême droite, alliés par endroits à l’armée, qui semaient la terreur dans leur lutte contre les guérillas communistes au début des années 2000.

Selon un responsable communautaire local, les soldats entendaient se faire passer pour des membres de la dissidence des FARC, guérilla qui rejette l’accord de paix signé en 2016 avec ce groupe marxiste.

Jeudi, le président Petro s’est de nouveau exprimé avec véhémence sur le sujet : « Aucun soldat ne devrait plus jamais se prêter à tirer sur un jeune garçon et à tuer des paysans. […] Ne ramenez pas la Colombie au passé, à la barbarie du passé », a-t-il averti.

« Que cherchaient ceux qui ont donné les ordres ? », s’est-il interrogé, suggérant que les responsables souhaitaient en fait discréditer le gouvernement en semant « le désordre et le chaos ». « Avec ce genre d’agissements, l’armée colombienne ne se couvre pas de gloire ou d’honneur […] mais d’indignité », a-t-il lancé, citant le père de la nation Simon Bolivar : « Maudit soit le soldat qui pointe son arme contre le peuple ».

Plusieurs groupes armés sont actifs dans cette zone connue pour abriter des cultures de coca : la dissidence des FARC, l’ELN guévariste et surtout les narcotrafiquants et ex-paramilitaires du Clan del Golfo.

Mercredi, un hélicoptère de l’armée se rendant à Tierralta pour enquêter sur l’incident a essuyé des tirs venant du sol, une attaque du « Clan del Golfo », a indiqué l’armée jeudi.  

D’innombrables massacres de populations civiles et autres crimes ont marqué plus d’un demi-siècle du sanglant conflit interne en Colombie, y compris commis par l’armée mise en cause notamment dans le scandale dit des « faux positifs », des civils exécutés et ensuite présentés comme des guérilleros tombés au combat.