(Bogotá) L’armée colombienne va enquêter après la diffusion sur les réseaux sociaux d’images de militaires en armes, non-identifiés, menaçant des villageois dans le nord de la Colombie, un incident que le gouvernement a qualifié mercredi d’« extrêmement grave ».

Sur ces images, reprises en boucle par tous les médias du pays, l’un des soldats, le visage masqué, sort un pistolet et le pointe vers une mère portant son bébé. Un autre brandit son fusil automatique sur un groupe villageois, parmi lesquels des enfants en pleurs et apeurés, accrochés à leurs parents.

« Pensez-vous qu’il soit juste de me menacer avec une arme alors que j’ai mon enfant dans les bras ? Identifiez-vous ! », lance la mère avec son bébé à bout de bras, tandis qu’une vingtaine de personnes apostrophent les soldats ne portant aucun badge d’identification, vêtus de tee-shirts à manches longues noirs sous leurs cartouchières et de pantalons de treillis, comme sont souvent habillés les guérilleros opérant dans le pays.

« Ce qui s’est passé à Tierralta, dans le département de Cordoba, est extrêmement grave et nécessite l’adoption de décisions drastiques », a commenté mercredi sur le réseau X (ex-Twitter) le ministre de la Défense, Ivan Velasquez.

« Il n’y a aucune tolérance pour des comportements qui affectent non seulement les communautés, mais aussi les forces militaires elles-mêmes », a-t-il affirmé, reconnaissant implicitement qu’il s’agissait de membres des forces armées.  

Dans un communiqué, l’armée a indiqué qu’une « commission d’inspection » s’était rendue dans la zone pour enquêter sur « un possible acte de violence contre la population civile ». L’incident impliquerait des soldats « du bataillon Junin, […] de la septième division », a précisé le chef des forces armées, le général Helder Giraldo.

Selon Orlando Triana, un responsable communautaire local, joint par l’AFP, les soldats entendaient se faire passer pour des membres de la dissidence des FARC, guérilla qui rejette l’accord de paix signé en 2016 avec ce groupe marxiste.

« On croit que les forces de sécurité vont défendre la population civile, mais là on est stupéfaits […], on garde un goût amer » de l’incident, a-t-il dit.

« Il est très grave qu’en plus des menaces et des intimidations, les dirigeants de la communauté dénoncent également un acte d’abus sexuel commis contre une femme indigène », a par ailleurs indiqué le Défenseur du peuple (ombudsman), Carlos Camargo. « Les autorités doivent donc clarifier cette situation au plus vite et garantir la sécurité de la population », a-t-il indiqué.

Plusieurs groupes armés sont actifs dans cette zone connue pour abriter des cultures de coca : la dissidence des FARC, l’ELN guévariste, et surtout les narcotrafiquants et ex paramilitaires du Clan del Golfo.

« Un retour au paramilitarisme et au vol des terres serait la pire erreur militaire des forces de sécurité. Cela ne peut se produire sous ce gouvernement », a fustigé sur X le président de gauche Gustavo Petro, exigeant que « l’armée présente publiquement » les conclusions de son enquête.

D’innombrables massacres de populations civiles et autres crimes ont marqué plus d’un demi-siècle du sanglant conflit interne en Colombie, y compris commis par l’armée mise en cause notamment dans le scandale dit des « faux positifs », des civils exécutés et ensuite présentés comme des guérilleros tombés au combat.