Le président vénézuélien, Nicolás Maduro, qui dirige le pays d’une main de fer depuis 2013, sollicitera un nouveau mandat à la fin du mois de juillet. Les principaux partis de l’opposition font front commun et promettent, ce faisant, de transformer le scrutin en exercice à haut risque pour le politicien, même s’il a les rênes du pouvoir bien en main.

Quelles sont les forces en présence ?

Une douzaine de candidats ont officiellement été approuvés par le Conseil national électoral (CNE) en prévision du scrutin présidentiel, qui aura lieu le 28 juillet, six ans après la tenue d’une élection largement boycottée par les forces de l’opposition du pays. Les principaux opposants à Nicolás Maduro, surmontant leurs différends, ont cependant décidé de s’unir pour soutenir la candidature d’Edmundo González, un ancien diplomate. Peu connu du public, il pourrait causer la surprise, puisqu’un récent sondage indique qu’il détiendrait une avance de plus de 20 points de pourcentage sur le président dans les intentions de vote.

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Edmundo González, un ancien diplomate, sera le candidat de l’opposition à la présidentielle du 28 juillet.

L’élection sera-t-elle libre et transparente ?

Le gouvernement vénézuélien s’est engagé en octobre dernier, lors de discussions tenues à la Barbade avec des représentants de l’opposition et de divers pays, à prendre plusieurs mesures pour assurer la crédibilité de l’élection. Il s’est vu offrir en contrepartie une levée partielle des sanctions américaines touchant sa production gazière et pétrolière, qui représente une source de revenus cruciale pour le régime. Plusieurs engagements ont cependant été laissés en plan ou reniés depuis ce temps, dont celui de laisser l’opposition choisir librement ses candidats.

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T-shirts du candidat de l’opposition Edmundo González en vente à Maracaibo

Qu’est-ce que le gouvernement a fait à ce sujet ?

Christopher Sabatini, analyste de Chatham House, un institut de recherche britannique, note que le régime a manœuvré pour exclure la candidature de María Corina Machado, une populaire ex-députée qui a remporté haut la main à l’automne une primaire organisée par l’opposition. Sa remplaçante désignée a aussi été écartée, faisant d’Edmundo González l’improbable champion de l’opposition. Le régime, dit M. Sabatini, a néanmoins respecté sa promesse de fixer un calendrier électoral acceptable et a invité, bien que tardivement, de nombreux observateurs étrangers qui pourraient dénoncer haut et fort toute tentative de manipulation du vote. « On peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide », dit M. Sabatini.

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María Corina Machado (au micro) s’adressant à la foule lors d’un évènement de campagne de l’opposition, à Maracaibo, le 2 mai dernier

Que fera Nicolás Maduro s’il pense être sur le point de perdre ?

M. Sabatini estime que le président vénézuélien était trop sûr de pouvoir remporter facilement l’élection et n’avait pas misé sur la possibilité que l’opposition présente un front largement uni lors du scrutin. « Il se retrouve coincé », selon l’analyste. S’il craint la défaite, le régime pourrait décider de suspendre l’élection ou tenter de la « voler » en trafiquant le résultat du vote, mais risque, dans les deux cas, d’être relégué au rang de « paria » sans espoir de normalisation économique. Ricardo Penafiel, spécialiste de l’Amérique latine rattaché à l’Université du Québec à Montréal, note qu’on ne peut exclure non plus la possibilité que le régime reconnaisse le résultat des urnes s’il est négatif pour Nicolás Maduro. L’opposition, dit-il, avait remporté les élections législatives de 2015, ce qui suggère que le processus électoral ne peut être réduit à un simple exercice de façade.

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Le président Nicolás Maduro salue ses partisans à Caracas, le 25 mars.

Peut-on envisager une transition pacifique en cas de victoire de l’opposition ?

Si victoire il y a, M. Penafiel pense qu’Edmundo González pourrait s’avérer un bon candidat pour assurer une période de transition qui serait riche en périls. « Il faudra à tout prix éviter de procéder avec un esprit revanchard », puisque les partisans de l’ex-président Hugo Chávez, à qui Nicolás Maduro a succédé en 2013, sont omniprésents dans l’appareil étatique et dans l’armée. María Corina Machado, note-t-il, serait mal placée pour piloter un tel exercice, puisqu’elle a été associée par le régime au gouvernement parallèle de Juan Guaidó, qui a tenté de renverser Nicolás Maduro en 2019 avant d’être contraint à l’exil. M. Guaidó, qui chapeautait l’Assemblée nationale vénézuélienne, s’était déclaré « président en exercice » en dénonçant le caractère frauduleux de l’élection présidentielle de 2018 et avait reçu le soutien de plusieurs pays, dont le Canada et les États-Unis.

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Un passant regarde le prix des aliments dans la vitrine d’un supermarché de Caracas.

Nicolás Maduro peut-il composer avec le retour des sanctions économiques s’il se dit vainqueur d’une élection contestée ?

Christopher Sabatini note que toute manipulation de l’élection risque de mener au rétablissement intégral des sanctions imposées par les États-Unis et priverait le régime de revenus précieux alors que la situation économique du pays est catastrophique. Le produit intérieur brut a chuté de 80 % en dix ans et poussé à l’exil près de huit millions de personnes. Plutôt que de rétablir toutes les sanctions préalablement en place dans le secteur du gaz et du pétrole pour dénoncer l’application partielle des accords conclus à la Barbade, les États-Unis ont opté en avril pour une approche plus sélective, conservant ainsi un « levier de négociation » pour la suite du processus, dit l’analyste de Chatham House. « Tout peut arriver », conclut-il.