(Quito) Le président Guillermo Lasso a instauré l’état d’urgence en Équateur et sollicité l’aide du FBI dans l’enquête sur le meurtre mercredi d’un des favoris de la présidentielle, Fernando Villavicencio, dans un pays secoué par une vague sans précédent de violence liée au narcotrafic.

Ce qu’il faut savoir

  • Le candidat centriste Fernando Villavicencio a été tué à la fin d’un rassemblement électoral, mercredi soir ;
  • M. Villavicencio se positionnait comme un farouche pourfendeur de la corruption ;
  • L’un de ses principaux faits d’armes reste d’avoir envoyé sur le banc des accusés l’ancien président Rafael Correa grâce à l’une de ses enquêtes ;
  • L’ancien président Correa, réfugié en Belgique et que Fernando Villavicencio surnommait « le fugitif », a été condamné par contumace à huit ans de prison dans cette affaire ;
  • La communauté internationale a fermement condamné l’assassinat du candidat centriste, Washington le qualifiant d’« acte de violence odieux », l’Union européenne d’« attaque contre la démocratie » et la France d’« acte barbare » ;
  • Une vidéo d’un groupe d’hommes vêtus de noir, encagoulés et armés de fusils, se réclamant du gang de Los Lobos et revendiquant le crime sans mentionner Villavicencio circule sur l’internet. Son origine n’a toutefois pu être confirmée.

Selon la police équatorienne, les six suspects arrêtés après l’attentat sont de nationalité colombienne, de même qu’un septième assaillant abattu par les forces de sécurité. Le ministre de l’Intérieur Juan Zapata a confirmé l’implication de « groupes criminels organisés » dans cet assassinat.

M. Lasso a décrété l’état d’urgence pour une durée de 60 jours afin de garantir la tenue du scrutin dont le premier tour, le 20 août, a été maintenu par le Conseil national électoral (CNE).  

« Les forces armées sont en ce moment mobilisées à travers tout le territoire national afin de garantir la sécurité des citoyens, la tranquillité du pays et des élections libres et démocratiques », a-t-il assuré dans une allocution diffusée sur YouTube.

Peu après, il a annoncé sur X (ex-Twitter) avoir « demandé le soutien du FBI » dans l’enquête sur le meurtre de M. Villavicencio, assurant que la police fédérale américaine avait accepté la demande. « Une délégation arrivera dans le pays dans les prochaines heures », a-t-il précisé.

Il a également décrété trois jours de deuil national « pour honorer la mémoire d’un patriote », celle du candidat centriste de 59 ans assassiné par balles mercredi soir à la fin d’un rassemblement de campagne à Quito.

PHOTO KAREN TORO, ARCHIVES REUTERS

Deuxième dans les intentions de vote, Fernando Villavicencio, un ancien journaliste et un farouche pourfendeur de la corruption, briguait pour la première fois la présidence du petit pays andin.

L’attaque a également fait neuf blessés, selon les autorités, dont une candidate à l’Assemblée et trois policiers.  

« Groupes criminels »

« Les premières informations confirment que les personnes appréhendées appartiennent à des groupes criminels organisés », a déclaré M. Zapata, sans préciser lesquels, lors d’une conférence de presse.  

« Le crime organisé est allé très loin », a dénoncé M. Lasso, se disant « indigné et choqué ». « Je vous assure que ce crime ne restera pas impuni », a-t-il promis.

Le mouvement de M. Villavicencio, Construye, a réclamé la création d’une commission internationale pour enquêter sur le meurtre de son « courageux » leader, un ancien journaliste et farouche pourfendeur de la corruption qui briguait pour la première fois la présidence du pays.

Sur les grilles de la salle omnisports devant laquelle il a perdu la vie, des affiches le montrent souriant à côté d’une banderole sur laquelle on peut lire : « Les NARCOPOLITIQUES paieront. Pour toujours. Fernando T. Q. M. (pour Te Queremos Mucho, nous t’aimons beaucoup) ». Des roses blanches ont été déposées à proximité.

Ruth Flores, une femme au foyer de 65 ans, déplore le meurtre d’un « candidat qui dénonçait toute la corruption de la narco-politique, les narco-militaires ». La situation est « très préoccupante […] il n’y a pas de sécurité », regrette-t-elle.  

Une poignée de sympathisants s’est rassemblée au cours de la journée à proximité du funérarium où la dépouille de M. Villavicencio a été transférée. Certains tenaient des pancartes où on pouvait lire : « ils ont tué mon président ».

« Menace sérieuse »

La communauté internationale a fermement condamné le meurtre, Washington le qualifiant d’« acte de violence odieux », l’Union européenne d’« attaque contre la démocratie » et la France d’« acte barbare ».

Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Volker Türk a dénoncé un « meurtre épouvantable », voyant dans la violence contre les responsables politiques « une menace sérieuse pour le processus électoral et la capacité du peuple à exprimer sa volonté démocratique ».

La semaine dernière, le candidat présidentiel, qui était sous protection policière, avait fait état par deux fois de menaces contre lui et son équipe.  

Ces dernières années, l’Équateur est confronté à une vague de violence liée au trafic de drogue qui, en plein processus électoral, a déjà entraîné la mort d’un maire et d’un candidat au Parlement.

Quelques jours seulement avant d’être tué, M. Villavicencio avait dénoncé des irrégularités dans des contrats publics.  

L’un de ses principaux faits d’armes reste d’avoir envoyé sur le banc des accusés l’ancien président Rafael Correa (2007-2017) grâce à l’une de ses enquêtes. M. Correa, réfugié en Belgique, a été condamné par contumace à huit ans de prison dans cette affaire.

M. Villavicencio faisait partie des huit candidats déclarés aux élections générales anticipées provoquées par la dissolution de l’Assemblée en mai par M. Lasso.  

L’ancien journaliste se classait deuxième en intentions de vote avec environ 13 %, selon les derniers sondages de l’institut Cedatos, derrière l’avocate Luisa Gonzalez (26,6 %), proche de l’ancien président Correa.