Les groupes criminels qui utilisent la forêt amazonienne pour produire des drogues destinées à l’Amérique du Nord et à l’Europe gagnent en importance et contribuent de plus en plus à l’accélération de la détérioration de cet écosystème crucial pour l’avenir de la planète.

Ce qu’il faut savoir

Un nouveau rapport de l’Office des Nations unies contre le crime et la drogue indique que les organisations criminelles présentes en Amazonie diversifient leurs activités et exercent, ce faisant, une pression environnementale croissante.

En plus de blanchir une partie de leurs profits dans la production agricole et l’élevage de bovins, elles soutiennent des activités illégales favorisant la déforestation, comme l’exploitation de mines aurifères.

Ces activités pénalisent notamment les communautés autochtones, qui doivent composer avec une pression territoriale croissante souvent accompagnée de violence.

L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) sonne l’alarme à ce sujet dans un récent rapport qui décrit la « narco-déforestation » liée à leurs activités dans une zone recouvrant de vastes pans du Brésil, de la Colombie, du Pérou et de la Bolivie.

L’organisation internationale note que les activités de production de drogues ont une incidence relativement limitée sur le plan environnemental par rapport à des facteurs traditionnels de déforestation comme la culture à grande échelle de soya ou encore l’élevage de bétail, particulièrement important au Brésil.

Les efforts de diversification des organisations criminelles – qui réinvestissent leurs profits pour profiter de la coupe illégale d’arbres ou d’exploitations minières illicites – ont cependant un effet beaucoup plus marqué.

Les trafiquants, en plus de blanchir leur argent dans des exploitations agricoles, utilisent leur « expertise technique » et les réseaux existants d’exportation pour « trafiquer une gamme variée de produits bruts », incluant des espèces rares d’arbres, de l’or et du cobalt.

Les commerces illicites de drogues et d’autres produits se font souvent de concert, comme le montre le fait que la police fédérale brésilienne a réalisé 16 saisies majeures de cocaïne dans des chargements de bois destinés à l’étranger de 2017 à 2021, souligne l’ONUDC.

L’extension des activités des organisations criminelles s’accompagne d’intrusions de plus en plus fréquentes sur des territoires protégés et frappe de plein fouet des communautés autochtones vulnérables.

Selon les Nations unies, un groupe criminel influent au Brésil, le Premier commando de la capitale (PCC), a notamment joué un rôle majeur au cours des dernières années dans le développement de mines illicites sur le territoire protégé des Yanomami, qui sont approximativement 30 000.

Le développement d’activités illégales dans la région – où près de 25 000 mineurs auraient convergé en profitant du relâchement des mécanismes de surveillance décidé par l’administration de l’ex-président Jair Bolsonaro – a accéléré la déforestation et entraîné la pollution de nombreux cours d’eau.

Près de 90 % des membres de certaines communautés locales souffrent d’empoisonnement au mercure, un produit toxique largement utilisé pour l’extraction de l’or.

Dans une plainte soumise l’année dernière à la Cour pénale internationale, l’organisation AllRise relevait que plusieurs villes minières dotées de maisons, de boutiques et de boîtes de nuit regroupant des milliers de personnes ont pu fonctionner sans entrave sur le territoire des Yanomami pendant des années.

L’ONUDC note que les autorités fédérales ont entrepris de resserrer la vis cette année après le retour à la présidence en janvier de Luiz Inácio Lula da Silva.

Crime contre l’humanité ?

Le développement d’activités illégales soutenues par les groupes criminels alimente une flambée de violence dans plusieurs régions de l’Amazonie, qui présentent des taux d’homicides sensiblement plus élevés que la moyenne nationale.

Richard Rogers, de l’organisation Climate Control, notait dans une récente intervention publique que les crimes commis en Amazonie contre des communautés vulnérables comme les Yanomami sont « massifs » et orchestrés par un réseau de puissants acteurs.

Leur politique de dépossession, d’exploitation et de destruction favorise la violence à une échelle qui pourrait constituer un crime contre l’humanité.

Richard Rogers, de l’organisation Climate Control

Climate Control, de concert notamment avec Greenpeace, a documenté de 2011 à 2021 plus de 400 meurtres, une centaine de cas de torture et des dizaines de milliers d’expulsions liées à des conflits territoriaux.

Le gouvernement brésilien relevait il y a quelques jours en entrevue avec le Guardian que l’affaiblissement des agences environnementales survenu durant la présidence de Jair Bolsonaro avait créé un « vacuum » qui a favorisé la montée en puissance d’organisations criminelles.

Marta Machado, qui est responsable de la lutte antidrogue dans le pays, a déclaré au quotidien britannique qu’il était « urgent » d’agir à ce sujet, tout en prévenant que la répression policière devait aller de pair avec des politiques susceptibles d’assurer le développement durable de la région.