(Bogotá) Le président colombien Gustavo Petro a appelé lundi ses concitoyens à soutenir ses réformes de gauche dans les rues du pays, agitant la menace d’une « révolution » si le Congrès continue de s’y opposer.

Au pouvoir depuis août 2022, le président Petro fait face actuellement à une très sérieuse crise politique, avec le blocage au Congrès de plusieurs de ses réformes, malgré une coalition de sa majorité de gauche avec le centre et la droite modérée. Il a remplacé sept de ses ministres la semaine dernière, mettant à mal sa coalition gouvernementale.

« La tentative de freiner les réformes peut conduire à une révolution », a mis en garde le chef de l’État, dans son discours du 1er mai, une harangue qui se voulait « au balcon », devant plusieurs centaines de ses partisans rassemblés devant le siège de la présidence à Bogota.

« Ce qu’il faut, c’est que le peuple se mobilise, comme il l’a fait avec [le héros de l’indépendance Simon] Bolivar », a-t-il plaidé, appelant de nouveau les paysans, les jeunes et les pauvres à descendre dans la rue pour faire pression sur le Congrès.

« Ne nous laissez pas seuls dans ces palais immenses et froids. Ne nous laissez pas seuls face à la meute des privilégiés. C’est l’heure du changement et nous ne devons pas reculer […] Je vous invite à être en première ligne de la lutte pour le changement », a martelé M. Petro, reprenant le thème phare sur lequel il avait été élu à l’été 2022.

En remplaçant sept de ses 18 ministres mercredi dernier, le président Petro a rompu avec les partis traditionnels qui l’avaient soutenu au début de son mandat.

Le président a justifié ce nouveau « gouvernement d’urgence » comme une réaction à un « Congrès qui n’a pas été capable d’approuver quelques articles simples et très pacifiques », sur un projet de loi de distribution équitable des terres notamment, et après le rejet par les parlementaires d’une réforme contestée du système de santé.

Dans son discours pour la fête des travailleurs, M. Petro a fait référence aux manifestations massives auxquelles avait été confronté son prédécesseur conservateur Ivan Duque (2018-2022).  

« Grâce à cette lutte, je suis ici […], cette explosion sociale de la jeunesse populaire a mis au centre du pays le besoin de changement », a estimé le dirigeant de gauche, sous les vivats de ses partisans scandant « Petro, mon ami, le peuple est avec toi » et « résistance ».

« Nous ne sommes pas loin du dialogue », a cependant ajouté en conclusion M. Petro, laissant apparemment la porte ouverte au dialogue politique.

Depuis son fief de Cali (ouest), la vice-présidente et afro-colombienne Francia Marquez, représentant l’aile gauche du « Pacte historique » de gauche de Petro, a prononcé un vigoureux discours en soutien au chef de l’État.

« Aujourd’hui, le peuple colombien a montré qui commande dans ce pays. Le peuple colombien est aux commandes, les paysans colombiens sont aux commandes, les Afro-descendants, les paysans sont aux commandes, les jeunes sont aux commandes », a lancé Mme Marquez.

« Que vive la “Première ligne” », a-t-elle ajouté, en référence aux protestataires en tête des manifestations du printemps 2021 dans cette même ville de Cali, qui donnèrent lieu à de très violents affrontements.

Une phrase polémique reprise immédiatement par la presse nationale, et vilipendée par l’opposition de droite comme un soutien à des « terroristes », selon l’expression de la sénatrice Maria Fernanda Cabal.