(Rio de Janeiro) Vingt ans après sa première victoire à la présidence brésilienne, Luiz Inácio Lula da Silva a battu dimanche soir Jair Bolsonaro lors d’une élection extrêmement serrée qui marque un revirement pour le pays, après quatre ans de politique d’extrême droite.

Celui que l’on connaît simplement comme Lula a obtenu 50,9 % des voix, contre 49,1 % pour Bolsonaro, qui ne s’était toujours pas manifesté près de deux heures après l’annonce du résultat final.

Flavia Monteiro, arrivée au Québec du Brésil il y a 12 ans, s’est dite « heureuse » de la victoire de Lula. La femme de 39 ans a décrit le président désigné comme « plus humain » et plus sensible « aux personnes les plus démunies et à toutes les inégalités financières du pays ».

Angelo Soares, un universitaire montréalais également originaire du Brésil, s’est dit « soulagé » de cette victoire. Selon lui, la réélection de Bolsonaro aurait été « la plus grande catastrophe » qui pouvait arriver au pays.

« Je suis révoltée », a cependant dit Ruth da Silva Barbosa à l’AFP, dépitée après avoir suivi le dépouillement à Brasilia. « Le peuple brésilien ne va pas avaler une élection manipulée comme cela et remettre le pays entre les mains d’un bandit. Bolsonaro doit agir vite, sinon, on ne pourra plus rien faire », a ajouté l’enseignante de 50 ans.

Quoi qu’il en soit, c’est un retour au sommet pour le candidat de la gauche, âgé de 77 ans, 12 ans après avoir quitté le pouvoir avec une popularité record à l’issue de ses deux premiers mandats (2003-2010). Lula avait ensuite connu la disgrâce, passant 580 jours en prison après des condamnations pour corruption finalement annulées pour vice de forme.

Cette sentence l’a écarté des élections de 2018, qui ont porté au pouvoir Bolsonaro, un défenseur des valeurs sociales conservatrices.

La victoire de Lula a été saluée par des feux d’artifice et des cris de joie dans de grandes villes brésiliennes comme Rio de Janeiro et Sao Paulo, où des centaines de milliers de personnes faisaient la fête dans la rue ont constaté des journalistes de l’AFP.

  • Des partisans de l’ex-président Lula à Rio de Janeiro

    PHOTO PILAR OLIVARES, REUTERS

    Des partisans de l’ex-président Lula à Rio de Janeiro

  • A supporter of Brazil's President and presidential candidate Jair Bolsonaro reacts, during the Brazilian presidential election run-off, in Brasilia, Brazil October 30, 2022. REUTERS/Ueslei Marcelino

    PHOTO UESLEI MARCELINO, REUTERS

    A supporter of Brazil's President and presidential candidate Jair Bolsonaro reacts, during the Brazilian presidential election run-off, in Brasilia, Brazil October 30, 2022. REUTERS/Ueslei Marcelino

  • Des partisans de l’ex-président Lula à Rio de Janeiro à Sao Paulo

    PHOTO MIGUEL SCHINCARIOL, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Des partisans de l’ex-président Lula à Rio de Janeiro à Sao Paulo

  • Un partisan de l’ex-président Lula à Brasilia

    PHOTO DIEGO VARA, REUTERS

    Un partisan de l’ex-président Lula à Brasilia

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« L’élection de Lula représente une opportunité pour le Brésil de renouer avec les valeurs démocratiques, la promotion de la science et de la protection de l’environnement », a commenté le professeur Mathieu Turgeon, politologue à l’Université Western Ontario.

« Le monde en sera reconnaissant pour protéger la richesse de la forêt amazonienne », a-t-il ajouté. Le mandat de Bolsonaro a été marqué par une accélération record de la déforestation, attirant les critiques de la communauté internationale.

« Le Brésil et la planète ont besoin d’une Amazonie en vie », a d’ailleurs scandé Lula dans son discours de victoire dimanche soir.

Il a aussi plaidé pour « un Brésil égalitaire, un Brésil pour tous, dont la priorité est donnée aux personnes qui en ont le plus besoin ». « Notre engagement le plus urgent est d’éliminer à nouveau la faim », alors que 33 millions de Brésiliens vivent l’insécurité alimentaire, a-t-il souligné.

Sa victoire marque la première fois depuis le retour à la démocratie du Brésil en 1985 que le président en exercice n’est pas réélu alors qu’il est dans la course. L’élection hautement polarisée dans la plus grande économie d’Amérique latine a prolongé une vague de victoires récentes de la gauche dans la région, notamment au Chili, en Colombie et en Argentine.

L’élection du candidat du Parti des Travailleurs (PT) « signifiera une plus grande présence de l’État dans l’économie, un interventionnisme plus accru, voire la création de nouvelles entreprises d’État, sans une grande préoccupation avec la discipline fiscale », selon le chargé de cours et expert en droit des affaires comparé de l’Université de Montréal Dan Kraft.

Ses positions sur la protection de l’environnement pourraient engendrer des frictions avec l’industrie agroalimentaire, selon le chercheur, ajoutant que Lula n’est cependant « pas un ennemi de l’initiative privée, bien au contraire ».

L’inauguration de Lula est prévue pour le 1er janvier. Il va devoir composer avec un Parlement qui penche clairement à droite et devra vraisemblablement nouer de vastes alliances pour gouverner.

En attendant, Bolsonaro et ses supporters chercheront « très certainement » à nier le résultat électoral, a prédit le professeur Turgeon, qui s’est tout de même dit « optimiste » quant à la réaction des institutions brésiliennes.

Il s’agissait de l’élection la plus serrée du pays depuis plus de trois décennies. La précédente course la plus proche, en 2014, avait été décidée par une marge de 3,46 millions de voix. La marge est bien plus étroite que ce que prédisaient les sondages, qui avaient déjà lourdement sous-estimé le résultat de Bolsonaro avant le premier tour.

  • Une partisane du président défait Jair Bolsonaro à Brasilia, dimanche

    PHOTO UESLEI MARCELINO, REUTERS

    Une partisane du président défait Jair Bolsonaro à Brasilia, dimanche

  • Des partisans du président défait Jair Bolsonaro à Rio de Janeiro

    PHOTO LUCAS LANDAU, REUTERS

    Des partisans du président défait Jair Bolsonaro à Rio de Janeiro

  • Des partisans du président défait Jair Bolsonaro à Rio de Janeiro

    PHOTO LUCAS LANDAU, REUTERS

    Des partisans du président défait Jair Bolsonaro à Rio de Janeiro

  • Un partisan du président défait Jair Bolsonaro à Brasilia

    PHOTO UESLEI MARCELINO, REUTERS

    Un partisan du président défait Jair Bolsonaro à Brasilia

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Lula a été rapidement félicité par plusieurs dirigeants étrangers. Dans un message de félicitations sur Twitter, le premier ministre Justin Trudeau a indiqué avoir « hâte de travailler » avec Lula « à faire avancer nos priorités communes — comme la protection de l’environnement ».

Le président américain Joe Biden a salué son élection « libre et juste » et son homologue français Emmanuel Macron a estimé que sa victoire « ouvre une nouvelle page de l’histoire du Brésil ».