(Bogota) Le nouveau président désigné colombien, Gustavo Petro, a proposé dimanche de mettre fin au système d’extradition vers les États-Unis des personnes qui se soumettraient aux exigences de la justice dans leur pays.

Dans une entrevue accordée au site internet Cambio, le premier homme de gauche à accéder au pouvoir en Colombie a suggéré de « lier l’extradition au non-respect » des « processus de démantèlement pacifique du trafic de drogue ».

Cette mesure dépendrait d’« une négociation avec les États-Unis et peut-être qu’ils n’en veulent pas. Ou que si », a ajouté le sénateur et ancien guérillero élu le 19 juin avec plus de 50 % des voix.

L’extradition « est un traité bilatéral et donc nous sommes deux, comme dans tout mariage », a souligné le dirigeant de 62 ans, qui prendra les rênes du principal pays allié des États-Unis dans la région le 7 août.  

Bogota et Washington collaborent depuis près d’un demi-siècle dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue, dont M. Petro est un farouche détracteur.

Deux jours après son élection, M. Petro s’est entretenu au téléphone avec Joe Biden, qui s’est engagé, a-t-il dit, à « une relation plus égale ». Le président américain a déclaré qu’il espérait « continuer à renforcer la coopération bilatérale ».  

Dans le cadre de son ambitieux programme visant à transformer un pays marqué par de profondes fractures sociales et des violences, M. Petro avait annoncé pendant sa campagne une « politique de soumission collective » à la justice pour les trafiquants de drogue, sans donner de plus amples détails.  

L’extradition a longtemps été l’un des principaux outils utilisés pour punir les caïds de la cocaïne tels qu’Otoniel, l’ancien chef du plus gros cartel de drogue colombien, qui a été remis aux États-Unis en mai.  

La Colombie reste le premier producteur mondial de cocaïne et les États-Unis le principal consommateur de cette drogue.

Si Gustavo Petro ne prendra officiellement ses fonctions que le 7 août, la passation de pouvoir a déjà débuté. Il a rencontré jeudi le président conservateur sortant Ivan Duque et s’est attelé à la formation de son futur gouvernement.

Samedi, il a annoncé le nom de son futur ministre des Affaires étrangères, Alvaro Leyva Duran, un vieux routier de la politique colombienne, plutôt considéré comme conservateur, mais qui a été impliqué dans plusieurs négociations avec les groupes armés, notamment les guérillas d’extrême gauche du M-19, de l’ELN guévariste et les FARC marxistes. « Il sera un ministre de la paix », a promis à cette occasion le futur président.

L’un des plus proches collaborateurs de M. Petro, le sénateur Roy Barreras, a commencé à former une majorité au Congrès, où la coalition de gauche du Pacte historique aura besoin du soutien des centristes et des libéraux pour légiférer.

Dans le cadre d’un « grand accord national » qu’il promet, M. Petro a par ailleurs proposé à son pire ennemi politique, l’ex-président Alvaro Uribe, la figure tutélaire de la droite colombienne, de dialoguer sur l’avenir du pays.

« Je vous remercie pour l’invitation », a répondu M. Uribe, « j’assisterai » à ce dialogue, dont les détails ne sont pas encore connus.