(Rio de Janeiro) Des traces de sang ont été découvertes sur le bateau d’un suspect arrêté dans le cadre de la disparition depuis dimanche en Amazonie d’un journaliste britannique et d’un expert brésilien, dont les soutiens ont demandé à Londres et à Brasilia « l’intensification des recherches ».

« Des traces de sang ont été trouvées sur le bateau d’Amarildo da Costa de Oliveira, 41 ans, connu sous le nom de “Pelado” », qualifié de « suspect » et arrêté mardi, a indiqué jeudi la police fédérale du Brésil dans un communiqué.

« Le matériel collecté est en route pour Manaus », chef-lieu de la région de l’État d’Amazonas, « pour être soumis à une expertise », selon le communiqué, accompagné d’images d’enquêteurs prenant des photos de ce qui semble être une petite tache de sang sur une bâche bleue à l’intérieur d’un bateau à moteur dont la peinture s’écaille.

Dom Phillips, 57 ans, collaborateur régulier du quotidien The Guardian, et Bruno Pereira, 41 ans, spécialiste reconnu des peuples indigènes, sont portés disparus dans la région de la vallée de Javari, une région « dangereuse » selon la police, où ils menaient des entretiens pour un livre sur la conservation de l’environnement.

Les deux hommes ont quitté Atalaia do Norte, dans l’État d’Amazonas, pour interviewer des habitants autour d’une base de la Funai — organisme gouvernemental chargé des peuples autochtones — et ont rejoint le lac Jaburu vendredi soir.

Ils ont pris le chemin du retour dimanche matin, mais ne sont pas revenus comme prévu à Atalaia do Norte, après un arrêt dans la communauté de Sao Rafael, où Bruno Pereira avait prévu un rendez-vous avec le chef local.

Des témoins ont dit avoir vu passer le suspect à toute vitesse dans un bateau allant dans la même direction que Dom Phillips et Bruno Pereira lorsqu’ils ont été vus pour la dernière fois.

Selon la police, l’homme avait été arrêté parce qu’il transportait des munitions d’un calibre non autorisé et de la drogue.

« Où est Dom ? »

Cette disparition a déclenché la mobilisation de personnalités et de groupes de défense de l’environnement et des droits de la personne et des manifestations ont été organisées jeudi à Londres et à Brasilia.

La famille du journaliste a appelé jeudi les autorités britanniques et brésiliennes à intensifier leurs efforts pour localiser les deux hommes, qu’elle a toujours « espoir » de retrouver.

« Où est Dom Phillips ? Où est Bruno Pereira ? », s’est interrogée la sœur du journaliste, Sian Phillips, dans une déclaration à la presse lors d’un rassemblement d’une trentaine de personnes organisé devant l’ambassade du Brésil.  

« Nous voulons que les autorités britanniques fassent pression sur le gouvernement brésilien », « nous voulons que les recherches se poursuivent », « nous voulons savoir ce qui leur est arrivé », a-t-elle lancé, reprochant aux autorités brésiliennes d’avoir tardé à déclencher les recherches.

La police fédérale a dit jeudi qu’elle poursuivrait les recherches avec les forces armées « afin que Pereira et Phillips retournent le plus rapidement possible auprès de leurs proches ».

La veille, elle avait admis n’exclure « aucune piste », y compris celle de l’homicide, dans une région considérée comme « dangereuse » où sont menés de nombreux trafics.

« Négligence »

À Brasilia, le militant de la défense des peuples indigènes Kamu Dan, appartenant à l’ethnie Wapichana, a dit à l’AFP attendre « des réponses » que « le gouvernement, la Funai et la police ne nous donnent pas ».  

« Il y a une négligence de la part de l’État dans la défense des peuples autochtones, qui sont livrés à eux-mêmes contre les bûcherons, les mineurs, les envahisseurs, les trafiquants de drogue », a déclaré l’activiste.

Très difficile d’accès près de la frontière du Pérou, la vallée de Javari connaît une escalade de la violence armée en raison de la présence de mineurs, d’orpailleurs, de braconniers et de trafiquants de drogue.

Le président du Brésil Jair Bolsonaro a qualifié l’expédition de Phillips et de Pereira d’« aventure à ne pas recommander » et a déclaré que « dans une région comme celle-ci », « tout peut arriver ».

En marge du Sommet des Amériques auquel il participe à Los Angeles, il a déclaré jeudi : « Prions Dieu qu’ils soient toujours en vie », mais « à chaque jour qui passe ces chances diminuent ».

« En général, on va dans cette région avec une escorte. Ils sont partis à l’aventure », a-t-il ajouté.

Des propos qui ont soulevé les critiques de membres de l’UNIJAVA (union des villages indigènes de la vallée de Javari), qui participe activement aux recherches.

« Bruno et Dom rendaient en réalité service à l’État brésilien, parce qu’ils étaient au service de l’UNIJAVA, parlant de la protection des terres indigènes, ce que le gouvernement brésilien ne fait pas », a commenté à des journalistes Eliesio Maruba, responsable juridique de cette association.