(San Salvador) Le gouvernement du Salvador a réfuté avoir utilisé le logiciel Pegasus pour espionner des journalistes et responsables humanitaires, en réaction au rapport de l’ONG canadienne Citizen Lab qui a révélé le piratage de leurs téléphones.

Le rapport dévoilé mercredi du laboratoire canadien de surveillance de la cybersécurité révèle que 37 téléphones de 35 membres d’ONG et de journalistes de six publications ont été infectés par le logiciel espion.

« Le gouvernement du Salvador n’est en aucun cas lié à Pegasus et n’est pas un client du groupe NSO », concepteur israélien du logiciel, a déclaré la responsable de la communication du gouvernement, Sofia Medina, mercredi soir dans un communiqué.

« Le gouvernement du Salvador ne dispose pas des ressources ni des licences nécessaires pour utiliser ce type de logiciel », a affirmé Mme Medina, indiquant que le gouvernement salvadorien « enquête sur l’utilisation possible de Pegasus et d’autres systèmes » non spécifiés « pour mettre des téléphones sur écoute dans le pays ».

Pour preuve selon elle, la notification reçue par Apple sur son propre téléphone et celui du ministre de la Justice, Gustavo Villatoro, sur une possible infection par le logiciel Pegasus.

Les téléphones intelligents infectés se transforment en dispositifs d’espionnage de poche, permettant permet d’accéder aux messageries et données de l’utilisateur, mais également d’activer l’appareil à distance pour capter le son ou l’image.

Le journal numérique El Faro, réputé au Salvador pour l’impartialité de ses enquêtes, a indiqué que 22 membres de son personnel ont été mis sur écoute 226 fois entre le 29 juin 2020 et le 23 novembre 2021.

PHOTO JESSICA ORELLANA, REUTERS

Le téléphone du journaliste Carlos Martinez, du quotidien El Faro, a été piraté 28 fois par un logiciel espion, affirme Citizen Lab. C’est ce journaliste qui avait révélé que le gouvernement du président Nayib Bukele avait négocié un pacte avec les gangs de narcotraficants en vue d’obtenir une réduction de la violence et un soutien électoral.

Citizen Lab « n’attribue pas de manière concluante les attaques à un client gouvernemental de NSO Group », mais estime qu’« il existe une série de preuves circonstancielles indiquant un lien étroit avec le gouvernement du Salvador ».

Selon l’ONG, « le ciblage coïncide » avec des enquêtes menées « sur des questions de grand intérêt pour le gouvernement Bukele ».

« Le piratage a eu lieu alors que des rapports rendaient compte de questions sensibles concernant l’administration du président Bukele, notamment un scandale lié à la négociation par le gouvernement d’un “pacte” avec le gang MS-13 en vue d’une réduction de la violence et d’un soutien électoral », note le rapport.

Nayib Bukele, 40 ans, au pouvoir depuis 2019, bénéficie d’une très forte popularité, mais ses penchants autoritaires lui valent des critiques véhémentes de ses opposants et de la communauté internationale.

En mai, les juges de la Cour suprême et le procureur général du Salvador ont été destitués dans un tour de force du parlement acquis à sa cause. Une réinterprétation de la Constitution a ainsi permis quatre mois plus tard aux nouveaux juges d’autoriser M. Bukele à se représenter.

Citizen Lab avait révélé fin décembre l’utilisation du logiciel Pegasus à des fins politiques sur les téléphones de trois personnalités en Pologne.