(San José) Le rapport d’expertise d’un gynécologue a ouvert mercredi l’examen par la Cour interaméricaine des droits de l’homme de l’affaire d’une Salvadorienne condamnée pour avortement et morte en détention.

L’affaire, qui oppose la famille de la jeune femme à l’État du Salvador, « concerne une série de violations présumées de (ses) droits dans le cadre de la procédure pénale qui a abouti à (sa) condamnation pour homicide aggravé […] dans le contexte de la criminalisation de l’avortement au Salvador », selon l’acte de renvoi devant la Cour.

Condamnée pour homicide en 2008

Manuela — un pseudonyme, car la famille a demandé que son nom ne soit pas révélé — avait été condamnée en août 2008 pour avortement, qualifié d’« homicide aggravé » par les juges. Selon sa famille, il s’agissait d’une fausse couche, subie en février 2008.

Condamnée à trente ans de prison, Manuela est morte le 30 avril 2010 à l’âge de 33 ans au service pénitentiaire de l’hôpital national de San Salvador, où elle était soignée pour un cancer de la lymphe.

Deux jours d’audience sont à l’agenda de la Cour qui siège à San José, de manière virtuelle pour cause de pandémie de coronavirus. L’arrêt de la Cour devrait être rendu dans un délai de six mois à un an.

En début d’audience, la Cour a écouté l’expert Guillermo Ortiz, un gynécologue salvadorien vivant aux États-Unis ainsi que l’avocate argentine Laura Clérico, qui représente la famille de Manuela.

Le médecin a assuré que « la peur s’est emparée du personnel de santé depuis 2001 », quand le ministère de la Santé a publié une directive ordonnant au personnel médical de dénoncer « le moindre soupçon d’avortement ».  

18 femmes emprisonnées

C’est la première fois qu’un cas de condamnation pour avortement au Salvador est porté devant la Cour, selon Catalina Martinez, la directrice pour l’Amérique latine de l’ONG Centre des droits de reproduction.  

À San Salvador, l’avocate de Manuela, Angelica Rivas, a déclaré à l’AFP avoir « de grands espoirs » que la juridiction établisse « toutes les violations » subies par sa cliente.

Pour Morena Herrera, coordinatrice du Groupement citoyen pour la dépénalisation de l’avortement au Salvador, la famille de Manuela doit bénéficier d’une « réparation intégrale ». Elle réclame aussi une « réhabilitation publique », ainsi que pour 18 autres femmes actuellement emprisonnées au Salvador pour des faits semblables.

Selon Sara Garcia, du Collectif féministe du Salvador, c’est le cancer non diagnostiqué dont souffrait Manuela qui a provoqué la fausse couche.

Le code pénal salvadorien interdit strictement l’avortement et prévoit des peines de 8 ans de prison. Cependant, très souvent, les juges qualifient la perte de l’enfant à naître d’« homicide aggravé », réprimé par des peines pouvant aller jusqu’à 50 ans de prison.