(Brasilia) Avec des records de morts quotidiens, des hôpitaux au bord de l’effondrement et une campagne vaccinale menée au rythme de l’escargot, le Brésil affronte le moment le plus violent de la pandémie sans aucune stratégie nationale.

Mercredi, le Brésil a enregistré 1910 morts en 24 heures, battant le triste record établi la veille de 1641 décès. Avec un total de 259 271 morts de la COVID-19, l’immense pays latino-américain est le plus endeuillé au monde après les États-Unis.

« Pour la première fois depuis le début de la pandémie (il y a plus d’un an) on assiste dans tout le pays à une détérioration des différents indicateurs », a indiqué mardi la Fondation Fiocruz, qui dépend du ministère de la Santé.

Le « scénario est alarmant » : augmentation en flèche du nombre de contaminations et de morts, avec des taux élevés de syndromes respiratoires aigus sévères (SRAS) et une occupation des lits en soins intensifs supérieure à 80 % dans 19 des 27 États du pays, explique l’institution.

Cette deuxième vague est encore pire que la première. Au cours des sept derniers jours, la moyenne mobile de morts du coronavirus a été de 1331, un chiffre qui jusqu’en février n’avait jamais dépassé les 1100 décès.  

C’est en janvier que la moyenne quotidienne de morts est repassée au-dessus du seuil des 1000, comme cela avait été le cas entre juin et août, la pire période de la première vague.

Cette nette aggravation est, pour les épidémiologistes, le prix que paie le Brésil pour les fêtes de Noël et du Nouvel An.

Bientôt va s’ajouter la « facture » de la période du carnaval de la fin février, qui a donné lieu à des rassemblements festifs en dépit de leur interdiction et de l’annulation des grands défilés, comme à Rio.

Les scientifiques invoquent aussi le variant P1 apparu en Amazonie, qui est deux fois plus contagieux et a essaimé dans 17 États du Brésil et plusieurs pays étrangers.

L’évolution dramatique des courbes au Brésil montre que les mesures prises ici ou là par les maires ou les gouverneurs des États n’ont pas eu d’impact significatif.

« Manque de doses »

Un mois et demi après son lancement, la campagne nationale de vaccination souffre cruellement du manque de doses.

Dans ce pays de 212 millions d’habitants, seules 7,1 millions de personnes ont reçu une première injection, 2,1 millions les deux.

« Nous n’étions pas préparés » à cette situation d’urgence qui « était prévisible. Nous savons qu’il y a un nouveau variant et il y aurait dû y avoir un confinement avant », dit à l’AFP la vice-présidente de la Société brésilienne d’Immunologie (SBIM), Isabella Ballalai.

Faute d’une politique nationale de lutte contre la COVID-19, c’est chaque État du pays et chaque municipalité qui a pris des mesures, en ordre dispersé.

Ainsi l’État de Sao Paulo, avec ses 46 millions d’habitants, repasse samedi, pour deux semaines, en « phase rouge », qui n’autorise que les « activités essentielles », dans la santé, l’alimentation ou les transports publics. Les restaurants, bars, centres commerciaux et magasins y sont fermés.

Dans la capitale Brasilia, les bars sont fermés et les restaurants ne fonctionnent plus que pour la vente à emporter. Dans le Sud, le Parana ou le Rio Grande do Sul ont instauré des couvre-feux ou banni les activités non essentielles, imités par certains États du Nord et Nord-Est tels le Mato Grosso, Pernambouc, Acre, ou Rondonia.

Jeudi, Rio a ordonné par décret la fermeture pour une semaine des bars et restaurants dès 17 h, interdit toute vente ambulante sur les plages très fréquentées en cette fin d’été austral et fermé les discothèques et clubs de sambas.

Le décret interdit également la circulation des personnes dans les rues entre 23 het 5 h.

Comme si cinq avions s’écrasaient

« Plus de 1000 personnes meurent chaque jour au Brésil, c’est comme si cinq avions s’écrasaient. Ceci n’est pas normal, n’est pas banal […] ceci est une tragédie », a déclaré mercredi le gouverneur de Sao Paulo, Joao Doria, accusant le président Jair Bolsonaro de « négationnisme ».

Les responsables sanitaires des États ont demandé lundi un couvre-feu nocturne national assorti d’un confinement des zones les plus critiques.

Mais Jair Bolsonaro a averti les gouverneurs qui prendraient des mesures de restrictions qu’« ils » devraient payer « sur leurs propres budgets les aides aux plus vulnérables.

Dans un acte inédit de rébellion contre l’incurie, disent-ils, du ministère de la Santé, les gouverneurs se sont coalisés pour acheter les doses de vaccin pour leur État.