(Brasilia) Le président brésilien Jair Bolsonaro a demandé vendredi au Sénat d’ouvrir une procédure de destitution contre un juge de la Cour suprême qui avait ordonné une enquête contre lui pour ses déclarations jetant un doute sur les élections.

Le président du Sénat, Rodrigo Pacheco, a confirmé avoir reçu une requête de destitution à l’encontre d’Alexandre de Moraes, un des onze juges de la Cour suprême. Il a assuré qu’il allait l’« analyser », mais qu’un tel mécanisme « ne doit pas être banalisé ni mal utilisé ».

Cet allié du gouvernement, avec lequel il a pris ses distances, a aussi affirmé qu’il n’allait « céder à aucune attaque visant à diviser le Brésil ».

C’est la première fois depuis son entrée en fonctions, en janvier 2019, que Jair Bolsonaro sollicite la destitution d’un juge de la Cour suprême.

Dans sa requête, M. Bolsonaro estime que M. de Moraes est partial dans une enquête ouverte en 2019 par la Cour suprême sur des fausses nouvelles et des menaces envers plusieurs de ses juges, et dans laquelle le juge en question a inclus le président le 4 août.

Alexandre de Moraes, dénonce le président Bolsonaro, est « en même temps enquêteur, accusateur et juge » et un « censeur de la liberté d’expression ».

Le 4 août, M. de Moraes avait ordonné l’ouverture d’une enquête contre le chef de l’État pour diffusion de fausses informations, après ses attaques constantes et sans preuves contre le système électoral.

Alexandre de Moraes avait pris cette décision suite à une requête du TSE, qui avait annoncé ouvrir une enquête contre le chef de l’État pour « abus de pouvoir politique et économique […] dans ses attaques contre le système de vote électronique et la légitimité des élections de 2022 ».

Le magistrat, qui présidera le TSE lors de la prochaine élection présidentielle en octobre 2022, avait précisé que l’enquête de la Cour suprême tenterait d’établir si le dirigeant d’extrême droite s’était rendu coupable d’« injure, diffamation et dénonciation calomnieuse », notamment.

Donné perdant par les sondages

La Cour suprême a réagi dans un court communiqué en dénoncé l’initiative du président « contre un de ses membres pour des décisions dans le cadre d’une enquête approuvés en séance plénière de la Cour ». « L’état démocratique de droit ne tolère pas qu’un juge soit mis en accusation pour ses décisions », a ajouté l’institution, assurant sa « totale confiance dans l’indépendance et l’impartialité » de M. de Moraes.

M. Bolsonaro, qui devrait briguer une réélection, ne préconise pas un retour au vote par bulletins papier, mais l’impression de reçus après chaque vote électronique, afin de permettre un recomptage des voix en cas de contestation.

Une mesure rejetée par le TSE, qui assure que le système actuel n’a jamais été émaillé d’irrégularités et que l’impression de reçus en papier pourrait au contraire exposer l’élection « aux risques de manipulations du passé ».

Les attaques du président contre le système électoral, et même le TSE dont il a traité le président Luis Roberto Barroso d’« imbécile », interviennent alors qu’il est dans une mauvaise passe en raison d’une nette érosion de sa popularité due notamment à sa gestion de la crise du coronavirus, jugée calamiteuse par les spécialistes.

M. Bolsonaro est donné depuis plusieurs semaines largement perdant dans les sondages face à son ennemi juré, l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), si celui-ci décidait de se représenter.