L’ONG de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) a dénoncé mercredi des « abus très graves » de la police colombienne, présumée impliquée dans 20 homicides durant les manifestations contre le gouvernement qui se succèdent depuis le 28 avril.

HRW a précisé dans un rapport que 16 des morts ont été touchés par des coups de feu tirés avec l’intention de « tuer » par des policiers.

Le gouvernement « devrait adopter des mesures urgentes pour protéger les droits humains et initier une profonde réforme policière pour garantir que les agents respectent le droit de réunion pacifique, et que les responsables d’abus soient traduits en justice », a souligné HRW dans ce rapport qui devait être présenté au président Ivan Duque dans la journée.

Les agressions « ne sont pas des incidents isolés d’agents indisciplinés, mais le résultat de profonds défauts structurels », selon ce texte.

Le directeur de HRW pour les Amériques, José Miguel Vivanco, a déclaré lors d’une conférence de presse virtuelle avoir reçu des « dénonciations crédibles » concernant 34 morts durant les manifestations, dont 20 apparemment causées par des policiers et de celles-ci 16 consécutives à des balles visant des « organes vitaux ».

« Les autopsies suggèrent que les fonctionnaires auraient tiré pour tuer », a-t-il ajouté.

HRW a salué l’annonce de M. Duque de réformer la police, mais a estimé que certaines mesures sont « cosmétiques » et ne visent pas à une transformation de fond.

L’ONG a notamment recommandé de transférer la gestion de la police du ministère de la Défense à celui de l’Intérieur ou à un nouveau ministère de la Sécurité.

« La police continue à opérer avec une culture de conflit armé, une doctrine de l’ennemi interne, des procédures qui ne sont pas proches des citoyens », a souligné M. Vivanco.

Selon lui, le président « n’a pas été à la hauteur de la nécessité de condamner en termes non équivoques les très graves violations des droits humains » commises par des policiers.

Il a en outre demandé que les autorités apportent des preuves quant à la responsabilité de dissidents de l’ex-guérilla des FARC et de rebelles de l’ELN dans les troubles, estimant que cette affirmation du gouvernement génère « plus de rage chez ceux qui protestent », les « stigmatisent » et transmet « un message erroné » aux forces de l’ordre selon lequel elles « affrontent un dangereux ennemi ».

La Colombie, minée par une guerre interne de plus d’un demi-siècle, est confrontée depuis plus d’un mois à un mouvement de protestation inédit, mené essentiellement par des jeunes qui réclament un changement de politique, une réforme de la police et un État plus solidaire face à l’impact économique de la pandémie de COVID-19, qui se traduit par une hausse de la pauvreté touchant désormais 42 % de la population.