(Quito) Le gouvernement équatorien et le mouvement indigène tiendront dimanche leur première réunion de dialogue à Quito, après 11 jours d’une crise sociale sans précédent autour de la hausse des prix des carburants.

L’ONU et l’Église catholique « informent la société équatorienne qu’après avoir eu des contacts avec le gouvernement et les organisations du mouvement indigène, la première réunion de dialogue est convoquée pour le 13 octobre à 15 h (20 h GMT) à Quito », selon un communiqué conjoint.

L’annonce est survenue samedi soir, à l’issue d’une journée marquée par des débordements de violence qui ont plongé Quito dans le chaos et poussé le président Lenin Moreno, un libéral élu sous l’étiquette socialiste, à décréter un couvre-feu et le contrôle militaire de la capitale.

La crise a été déclenchée par l’annonce, début octobre, d’une série de réformes économiques négociées avec le Fonds monétaire international (FMI) en échange d’un prêt de 4,2 milliards de dollars.

Mesure la plus polémique : la suppression des subventions au carburant, qui font plus que doubler les prix à la pompe.

Elle a provoqué la colère d’une grande partie de la population, en premier lieu les indigènes – 25 % des 17,3 millions d’habitants –, affectés de plein fouet : constituant 68 % des pauvres du pays, ils travaillent principalement dans l’agriculture et voient s’envoler les coûts de transport pour l’écoulement de leurs produits.

Ces derniers jours, des Andes comme de l’Amazonie, ils ont été des milliers à déferler à Quito, où ils campent jour et nuit pour montrer leur rejet des réformes.

Maduro et Correa accusés

Samedi, de violents affrontements ont encore opposé manifestants et forces de l’ordre, dont les tirs croisés de fusées artisanales et de grenades lacrymogènes ont provoqué de larges nuages de fumée au-dessus de la ville, située à 2850 mètres d’altitude.

Des manifestants encagoulés ont mis le feu au bureau de l’Inspection générale des finances, attaquant le bâtiment à coups de cocktails Molotov avant de le saccager. Selon le parquet, 34 personnes ont été arrêtées.

D’autres attaques ont visé les locaux de la chaîne de télévision Teleamazonas et du journal El Mercurio à Quito.

« Pendant près d’une demi-heure, nous avons été attaqués, ils ont commencé à nous jeter des pierres, à forcer les portes et ensuite à lancer des cocktails Molotov », a raconté à l’antenne de Teleamazonas le présentateur Milton Pérez.

« C’est un jour triste pour l’Équateur », a commenté lors d’une allocution télévisée le président Moreno.

« Des forces obscures, liées à la délinquance politique organisée et dirigées par Correa et Maduro, avec la complicité du narcoterrorisme, de bandes criminelles, de citoyens étrangers violents, ont causé une violence jamais vue auparavant » dans la capitale, a-t-il ajouté.

C’est la deuxième fois que le chef de l’État accuse son prédécesseur Rafael Correa et son homologue vénézuélien Nicolas Maduro d’orchestrer la crise en Équateur pour le déstabiliser. Les intéressés ont déjà démenti.

« Répression policière »

Le mouvement indigène a nié toute implication dans ces attaques, mais a dénoncé dans un communiqué « l’implacable politique répressive » du gouvernement.

Confronté à la pire crise depuis son élection en 2017, le chef de l’État avait transféré, lundi, le siège du gouvernement à Guayaquil (sud-ouest) et décrété l’état d’urgence pour 60 jours, avec le déploiement de 74 000 militaires et policiers.

« Nous allons rétablir l’ordre dans tout l’Équateur », a-t-il promis samedi en invitant les habitants à « rentrer chez eux ».

La veille, il avait appelé les dirigeants indigènes à « dialoguer directement » afin de « trouver des solutions » à la crise.

« Après un processus de consultation avec les communautés, organisations, peuples, nationalités et organisations sociales, nous avons décidé de participer (à ce) dialogue direct », lui a répondu samedi la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (Conaie).

Depuis le 3 octobre, le bilan des manifestations est de six morts, 937 blessés et 1121 arrestations, selon le bureau du Défenseur du peuple, organisme public de défense des droits.

« Il y a de plus en plus de répression policière », dénonçait samedi un manifestant, visage masqué par un foulard, qui n’a pas voulu donner son nom. « Ils sont en train de nous tuer, on est en guerre ! ».

« Où sont les mères de ces policiers, les fils, les frères ? Ils ne leur disent pas d’arrêter de nous tuer ? », s’exclamait aussi, en larmes, Nancy Quinyupani, une indigène.

Les blocages de routes continuent de paralyser une grande partie du pays, tandis que les transports publics sont quasi-inexistants et des puits pétroliers d’Amazonie à l’arrêt, ce qui a déjà forcé l’Équateur à suspendre la distribution de près de 70 % de sa production de brut.