(Washington et Mexico) Au lendemain de son annonce de taxes douanières pour forcer Mexico à agir contre les migrants clandestins, Donald Trump a accentué vendredi sa pression sur le Mexique, l’exhortant à sévir également contre les cartels de la drogue.

Ce rebondissement est intervenu peu après un discours du président mexicain défendant son action dans la crise migratoire.

«Mexico doit reprendre le contrôle de son pays aux mains des barons de la drogue et des cartels. Les droits de douane vont arrêter les drogues aussi bien que les clandestins !», a tweeté le président américain.

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Un père mexicain se fait fouiller par un agent de la police des frontières devant son fils, à El Paso, au Texas, le 16 mai.

Donald Trump a annoncé jeudi que les États-Unis allaient mettre en place à partir du 10 juin «des tarifs douaniers de 5% sur tous les biens en provenance du Mexique» afin de forcer ce pays à remédier à la forte hausse des arrivées de migrants venus d’Amérique centrale.  

Ces droits de douane augmenteront progressivement jusqu’à 25% «tant que le problème de l’immigration clandestine n’est pas résolu», a prévenu M. Trump, qui a fait de la lutte contre l’immigration illégale l’un des fers de lance de sa présidence.

À cette exigence, le locataire de la Maison-Blanche a ajouté vendredi la problématique du trafic de drogue, assurant que 90% des stupéfiants inondant les États-Unis transitaient par le Mexique.

«Les hauts niveaux de consommation de drogue (aux États-Unis) ne sont pas du fait du Mexique», a rétorqué vendredi le ministre mexicain des Affaires étrangères, Marcelo Ebrard.

«Nous faisons le boulot»

Face à l’attaque de Donald Trump, le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador a cherché à éviter toute escalade, assurant vouloir user de «beaucoup de diplomatie». Il avait déjà, la veille, appelé au dialogue, indiquant ne pas vouloir d’une «confrontation».

Tout en estimant que les «mesures coercitives ne conduisent à rien de bon», il a affirmé que le geste de Washington ne remettait pas en cause la ratification du nouvel accord de libre-échange nord-américain entre les États-Unis, le Mexique et le Canada (AEUMC), dont le processus avait été lancé le jour même de l’offensive douanière par le gouvernement américain.

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Andrés Manuel López Obrador lors d'une conférence de presse vendredi au Palais national, à Mexico.

«Nous faisons le boulot» pour stopper le flux de migrants centraméricains, a défendu M. Lopez Obrador lors de sa conférence de presse quotidienne.

«Nous avons rapatrié dans leur pays des migrants comme jamais auparavant […] Nous voulons que le président américain en soit informé», a-t-il expliqué. «Nous ne sommes pas restés les bras croisés».

Il a indiqué avoir envoyé une délégation à Washington pour expliquer et défendre son plan d’action pour freiner l’immigration.

Le ministre mexicain des Affaires étrangères Marcelo Ebrard était attendu vendredi à Washington pour ouvrir des «discussions».

«Ce traitement réservé au Mexique est injuste et ne fait aucun sens économiquement», a-t-il estimé, rappelant que le Mexique était le premier partenaire économique des États-Unis.

Désespoir

Depuis octobre, des dizaines de milliers de Centraméricains – venus du Honduras, du Guatemala et du Salvador principalement – traversent le Mexique dans l’espoir de se rendre aux États-Unis, parfois en groupes.

En mars et en avril, le nombre de migrants interpellés après avoir traversé illégalement la frontière américaine a dépassé le seuil des 100 000 personnes, selon la police américaine.

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Des migrants centraméricains membres d'une «caravane» sont massés sur le toit d'un train dans l'État de Oaxaca, dans le sud du Mexique, en direction des États-Unis, en avril dernier.

«Nous voulons aussi que (Donald Trump) comprenne qu’il s’agit d’un problème socio-économique», a insisté M. Lopez Obrador. «Beaucoup abandonnent leur village par désespoir en raison du manque de travail et à cause de la violence.»

Il a souligné que des enfants, «parfois seuls», figuraient parmi ces migrants et que son gouvernement les traitait en veillant au respect des droits humains.

Face à cet afflux, et alors que la frontière entre le Mexique et le Guatemala reste très poreuse, le gouvernement mexicain a récemment mis en place un visa humanitaire limité aux seuls États du sud du pays. Il remplace peu à peu le visa qui permettait jusqu’alors aux migrants de circuler librement dans tout le pays et leur permettait de gagner la frontière américaine.

Mais cela ne semble pas satisfaire Donald Trump, qui avait déploré quelques heures avant l’annonce des nouveaux droits de douane qu’un groupe record d’un millier de clandestins avait été interpellé après avoir franchi la frontière.

Le président américain a fait de la construction d’un mur à la frontière avec le Mexique l’une des promesses centrales de sa campagne de 2016.  Mais il rencontre de nombreux obstacles à son financement, et accuse sans relâche l’opposition démocrate de bloquer toute initiative sur la frontière.