L'imbroglio autour de la décision d'un juge de la Cour suprême qui aurait pu aboutir à la libération de l'ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva faisait jeudi les gros titres de la presse brésilienne, dénonçant une situation d'« anarchie juridique ».

Le quotidien populaire Extra a choisi l'ironie, affichant en une le titre « Lula va être libéré » barré en rouge, avec en dessous, écrit en lettres cursives, « non, il ne sera pas libéré ».

Lula, qui purge depuis avril une peine de 12 ans et un mois de réclusion pour corruption, a entrevu la possibilité de sortir de prison mercredi, à la faveur d'une décision du juge de la Cour suprême Marco Aurelio Mello.

Ce magistrat a ordonné la libération des condamnés détenus condamnés en deuxième instance, mais dont tous les recours ne sont pas encore épuisés, ce qui est le cas de l'ex-président (2003-2010).

Cette décision a été cependant suspendue quelques heures plus tard par le président de la Cour suprême, José Antonio Dias Toffoli, mettant fin à environ cinq heures de flou juridique.

Le Brésil est le « pays de l'anarchie juridique », a estimé dans un éditorial, Bernardo Mello Franco, du journal O Globo.

« La Cour suprême, a-t-il dénoncé, a infligé une nouvelle journée d'incertitudes au pays [...] C'est devenu une routine. Ces derniers temps, les volontés individuelles des 11 juges ont pris le dessus sur les décisions collégiales ».

La plupart des médias brésiliens évoquent une bisbille personnelle entre les juges Mello et Dias Toffoli.  

Le premier aurait décidé de prendre une décision radicale de façon unilatérale pour provoquer le président de la haute cour, qui avait fixé au 10 avril prochain le débat en séance plénière sur la possibilité d'emprisonner un condamné dès la deuxième instance avant l'épuisement des voies de recours.  

Plusieurs analystes consultés par le quotidien Folha de Sao Paulo divergent sur le bien-fondé de la décision du juge Mello, mais tous s'accordent sur le fait que ce type d'imbroglio « fragilise l'image de la Cour suprême ».

Gleisi Hoffmann, présidente du Parti des Travailleurs (PT) de Lula, a mis en cause « l'instabilité institutionnelle » du pays.

« Malheureusement, à cause d'une série [...] d'entorses à la procédure légale et au respect de la constitution, Lula a été empêché de sortir de prison », a-t-elle déploré jeudi en conférence de presse 

« Ce que nous vivons au Brésil est très grave, en termes d'instabilité de nos institutions et du système judiciaire », a souligné Mme Hoffmann.

La défense de Lula a fait appel de la suspension de la décision du juge Mello, dans l'espoir de voir l'ex-président sortir de prison avant la fin de l'année, mais cette requête a peu de chances d'aboutir.