L'ex-président brésilien Lula était «serein» jeudi malgré sa probable incarcération dès la semaine prochaine après une décision de la Cour suprême, dans un pays polarisé et secoué par les déboires du favori des sondages pour la présidentielle d'octobre.

«Le président est tranquille, serein, il a la conscience tranquille des innocents», a affirmé la présidente du Parti des Travailleurs (PT), Gleisi Hoffmann, à l'issue d'une réunion des dirigeants de cette formation fondée par Lula dans les années 80.

Luiz Inacio Lula da Silva, 72 ans, devra purger une peine de 12 ans et un mois de prison pour avoir reçu un luxueux appartement en bord de mer de la part d'une entreprise de bâtiment en échange de faveurs dans l'obtention de marchés publics.

L'ex-président (2003-2010) nie farouchement, invoquant l'absence de preuves et dénonçant un complot visant à l'empêcher de briguer un troisième mandat, huit ans après avoir quitté le pouvoir avec une popularité record.

Il espérait obtenir un «habeas corpus» de la part de la Cour suprême pour rester en liberté jusqu'à l'épuisement de tous les recours, mais n'a pas obtenu gain de cause.

À l'issue de plus de 10 heures de débats passionnés, la plus haute juridiction du pays a rejeté sa demande par six voix contre cinq, un résultat à l'image d'un Brésil profondément divisé.

«République bananière»

«Il s'agit d'une décision politique, qui enfreint le droit constitutionnel et la présomption d'innocence. Le Brésil fait figure de république bananière», a ajouté Gleisi Hoffmann.

Lula ne s'est pas encore prononcé depuis la décision de la Cour suprême, mais sa première apparition publique est prévue vendredi soir, lors d'un meeting à Sao Bernardo do Campo, ville industrielle près de Sao Paulo où il réside.

Selon de nombreux juristes, l'icône de la gauche brésilienne ne devrait toutefois pas se retrouver derrière les barreaux avant la semaine prochaine, le mardi 10 avril étant présenté comme la date la plus probable.

«Ça devrait être probablement en milieu de semaine prochaine. Il restera ensuite en prison et n'aura probablement plus les conditions réunies pour être candidat à la présidence», explique à l'AFP Michael Mohallem, analyste politique à la Fondation Getulio Vargas.

Situation ubuesque : Lula peut même faire campagne derrière les barreaux. La loi de «Ficha Limpa» (casier propre) le rend en théorie inéligible au vu de sa condamnation en appel.

Mais sa candidature ne sera analysée formellement qu'en septembre par la justice électorale et ses avocats ont l'intention de multiplier les recours d'ici là.

«Le peuple brésilien a le droit de voter pour Lula, le candidat de l'espérance. Sa candidature sera défendue dans les rues et dans toutes les instances, jusqu'aux dernières conséquences», a prévenu sur Twitter le PT, quelques minutes après la décision de la Cour suprême.

Selon les analystes, sa candidature a de grandes chances d'être invalidée par la justice électorale, mais la stratégie du PT est de surfer sur l'émoi que suscite son incarcération pour qu'ensuite le «Plan B», un autre membre du parti, bénéficie du report de voix.

«Si Lula pouvait être candidat, il arriverait automatiquement au second tour. Avec l'avance qu'il a dans les sondages il aurait été très peu probable qu'il n'y soit pas. Mais sans Lula, le jeu est ouvert», estime Michael Mohallem.

«Un but marqué contre l'impunité» 

Mercredi soir, l'annonce de son revers face à la Cour suprême a été accueillie par des célébrations et des feux d'artifice de ses détracteurs à Brasilia.

Dans ce pays qui a vécu sous le joug de la dictature militaire de 1964 à 1985, c'est le député d'extrême droite Jair Bolsonaro, grand nostalgique de cette époque, qui arrive derrière Lula dans les intentions de vote.

«Le Brésil a marqué un but contre l'impunité et la corruption, mais ce n'est qu'un but, l'ennemi n'est pas encore vaincu», a-t-il déclaré dans une vidéo sur Youtube, appelant à élire en octobre un président «qui soit honnête».

À gauche, Juliano Medeiros, le président du Parti Socialisme et Liberté (PSOL), la formation de Marielle Franco, élue noire abattue en mars, a critiqué la décision et appelé à «la formation d'un front démocratique contre l'escalade de l'autoritarisme et la violence».

De leur côté, les marchés, instables ces derniers jours face à la possibilité que Lula puisse rester libre, ont affiché leur soulagement, sans euphorie toutefois, l'indice Ibovespa prenant 1,20% en milieu d'après-midi et le réal s'appréciant légèrement, à 3,34 unités pour un dollar. Il s'agit de sa plus forte cotation en 10 mois.

AFP

Luiz Inacio Lula da Silva.