Une consultation populaire symbolique sur le gouvernement vénézuélien de Nicolas Maduro et son projet de nouvelle constitution, qui aurait rassemblé 7,1 millions de participants selon l'opposition, se tenait dans 639 points de vote à travers le monde, dimanche. Au Québec, la mobilisation a été sans précédent. Plus de 4000 expatriés vénézuéliens ont noirci leur bulletin de vote.

«Toute ma famille est là-bas et tous les jours, l'un d'eux peut mourir. Le Venezuela, ce n'est pas ça. Il faut que ça cesse.»

Juan Carlos Diaz vit au Québec depuis 20 ans. N'empêche, les larmes lui montent aux yeux lorsqu'il parle du Venezuela, là où vivent encore sa mère, sa soeur, ses neveux, ses nièces... Là où tous ceux qu'il connaît cherchent à fuir un pays traumatisé, paralysé par des manifestations antigouvernementales sanglantes depuis trois mois.Comme quelque 4000 Vénézuéliens, M. Diaz s'est rendu, dimanche, à la Maison du développement durable de Montréal, rue Sainte-Catherine Ouest. Il a fait la seule chose en son pouvoir pour aider les siens en dépit des milliers de kilomètres qui les séparent : voter.

«On veut montrer [à Nicolás Maduro] que partout dans le monde, on est en désaccord avec ce qu'il veut faire. Notre voix compte, et il doit le savoir», soutient l'expatrié qui, à l'instar de plusieurs personnes réunies pour le vote de dimanche, portait les couleurs du drapeau jaune, bleu, rouge de son pays d'origine.

«Même si nous ne vivons plus au Venezuela, les gens qui y sont ont besoin de nous, de notre support. Nous devons leur montrer que nous sommes là», dit Fernando Valdez, arrivé au Canada il y a trois ans avec sa conjointe Yndira Goveia et leurs enfants Maria et Juan.

Dimanche, 2000 bureaux de vote étaient installés à travers le Venezuela. Ailleurs dans le monde, 639 points de vote étaient ouverts, dont 18 au Canada (y compris 4 au Québec. La mobilisation a été si importante à Montréal, que quatre tables de vote ont été ajoutées aux cinq déjà prévues. Malgré cet ajustement, certaines personnes ont mis plus de deux heures pour parvenir à l'isoloir.

«Le peuple vénézuélien veut que Maduro sorte tout de suite et qu'on passe à une élection générale. Cette mobilisation spectaculaire, ici comme là-bas, dans un contexte où il y a des morts et des blessés quotidiennement, démontre la dignité de ce peuple-là», estime la coordonnatrice de la journée, Soraya Benitez, qui est aussi directrice générale du Forum démocratie Canada-Venezuela (CVDF).

Maduro et la constitution

Le président Maduro a convoqué les citoyens aux urnes le 30 juillet pour élire les membres d'une Assemblée constituante qui aura pour mandat de modifier la Constitution du Venezuela de 1999 pour assurer la «paix et la stabilité économique» du pays. L'opposition redoute que cette élection ne serve qu'à renforcer le pouvoir du chef d'État. Ainsi, la consultation de dimanche se tenait sans l'accord du gouvernement vénézuélien et a été organisée par la coalition vénézuélienne des partis de l'opposition, Mesa de la Unidad Democrática (table ronde pour l'unité démocratique). Elle a toutefois reçu le soutien de l'Église catholique, des Nations unies, de plusieurs pays d'Amérique latine et d'Europe ainsi que des États-Unis.

Les Vénézuéliens étaient appelés à se prononcer sur trois questions : «Rejetez-vous l'Assemblée constituante?», «Souhaitez-vous que l'armée chasse le Congrès et défende la Constitution de 1999?» et «Êtes-vous favorable à la formation d'un nouveau gouvernement composé de partisans et d'opposants de Nicolás Maduro?».

À Montréal, les gens ont massivement coché oui à chacune des questions. Selon l'institut de sondages Datanalisis, près de 70% des Vénézuéliens sont opposés à la Constituante et 80% dénoncent la gestion de M. Maduro.

«Je manifeste mon mécontentement contre le gouvernement. Nous ne trouvons pas de médicaments, nous avons chaque fois moins d'argent pour acheter de la nourriture. Et eux, ils veulent juste rester au pouvoir. Nous votons pour qu'ils le quittent», dit Tibisay Méndez, dans un bureau de vote du sud-est de Caracas, où il s'est confié à l'AFP.

Mais dans les faits, qu'est-ce que vaut un vote n'ayant pas été commandé par le gouvernement?

«Il a été demandé par l'Assemblée nationale, qui est dirigée par l'opposition. Quand le gouvernement et l'opposition ne s'entendent pas, qui tranche? C'est le peuple. C'est l'avalanche de votes qui va tasser le gouvernement», croit - ou, du moins, espère - Mme Benitez, qui ne serait pas étonnée de voir la violence atteindre de nouveaux sommets au lendemain de ce vote symbolique.

Cinq anciens présidents latino-américains sont allés à Caracas pour assister à la consultation de l'opposition en tant qu'«observateurs internationaux».

À son arrivée, le Mexicain Vicente Fox a jugé que la consultation de l'opposition marquait le début «du chemin vers la fin» du gouvernement Maduro, qui «doit comprendre que personne n'en veut et qu'il ne peut pas continuer à détruire l'économie» du Venezuela.

Violences, pénuries et exil

La proposition de Nicolás Maduro de réécrire la Constitution a exacerbé les tensions dans ce pays aux prises avec des pénuries alimentaires. Dimanche marquait la 105e journée de manifestations antigouvernementales. Une centaine de personnes ont été tuées depuis le 1er avril, principalement des adolescents et de jeunes adultes. Une femme est morte alors qu'elle se rendait voter. Selon les témoins, des inconnus à moto ont ouvert le feu sur les personnes qui patientaient dans un bureau de l'ouest de Caracas, tuant une femme et faisant trois blessés.

La semaine dernière, l'ONU révélait que 52 000 demandes d'asile avaient été déposées par des Vénézuéliens depuis janvier, soit plus du double de celles recensées l'an dernier.

Cette crise politique survient par ailleurs sur fond de chute des cours du pétrole qui frappe de plein fouet l'économie, dont 95% des devises proviennent de l'exportation de l'or noir.

- Avec l'Associated Press et l'Agence France-Presse